mardi 1 janvier 2008

marion ciceron ou les figures de l'invisible

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L'énergie - que les artistes tentent de figurer - désigne le lien dynamique entre mon moi, les autres et l'univers. L'énergie n'est pas ce que l'on perçoit d'abord mais ce que l'on postule pour s'expliquer la résonance ressentie entre les choses, au-delà de tout mécanismes apparents. Cette énergie intangible est considérée comme vitale, car c'est justement la vie, le mouvement, le devenir, qui n'est nulle part en particulier mais anime les corps, les fait se mouvoir et désirer. Nous parcourant, elle est source de joie. Et parfois elle se cristallise en nous sous forme de mémoire, d'habitudes. Nous sommes alors emplis de morceaux du quotidien. Nos corps recèlent une multitude d'éléments glanés de ci de là. Nous sommes échafaudés par les choses passées.

Ce ne sont pas uniquement les choses qui nous habitent, mais aussi les personnes. Dans la série de Marion Cicéron, les multiples du moi, les jambes et les deux moitiés du corps sont dissociées. Des êtres blancs, sans bras et en terre cuite, sont fissurés en deux, laissant voir des étagères, des bouts de bois, des fils et du métal. Les corps sont éclatés de l'intérieur pour laisser apparaître des objets-formes qui les singularisent. Au centre de ceux que nous aimons, des figurines s’agrippent sur une grille . Ces figurines sont en terre, plus ou moins définies, comme dans les songes. On trouve également des silhouettes découpées. Tout ce monde paraît s'écouler des corps. Ils semblent nous échapper, mais pourtant demeurent confusément présents en nous.

Une lumière invisible traverse les choses. Nous abordons l'univers à travers son reflet, à travers le monde qui est à l'intérieur de nous. Nous sommes dans le monde comme il est en nous. Mais comment figurer l'invisible, comment saisir l'insaisissable et capter l'esprit général de la vie, le principe moteur des choses ? Comment la sculpture, lorsqu'elle est immobile, peut-elle traduire cette énergie mouvante ? Grâce à des lignes de métal ! Un corps de femme en terre est traversé au niveau du buste par de longs fils durs, courbés au niveau du ventre et du buste et déployées dans le dos, formant un champ de force qui animent ce corps. La courbe visible à l'avant relie le plexus et le pubis. L'énergie semble s'y concentrer tandis qu'elle se disperse à l'arrière. Cette projection de soi à l'extérieur représente notre sentiment d'existence, la chaleur et l'angoisse qui nous traversent au centre du corps.

Que ce soit la chair ou le fer, la matière, inerte en surface, reste sculptée par la vie. L'installation Lac de Grandlieu représente une genèse. Elle met en scène des bustes déhanchés sur un bout de rivage. Il paraissent être sortis de l'eau et vivre sans membres ni tête. Ces troncs possèdent néanmoins une expressivité, une singularité et une grâce. Des fibres, des branches ou encore d'autres éléments percent leur peau et semblent croître comme des végétaux, vers l'extérieur et vers les autres corps. Ces bustes ressemblent à des troncs d'où sortent des boules, comme des champignons noués dans le bois. Graines gigantesques en milieu humide, organismes vivaces, ces bustes bourgeonnent. Ils réinvente l'apparition des premiers organismes.

Nous sommes semblables aux végétaux et aux minéraux. Nous ne sommes guère plus que récupération et recyclage. Un couple sculpté par Marion Cicéron est appelé Origine. Les têtes sont modelées dans la terre. Les corps sont faits de bouts de bois vermoulus et de tiges de métal. Ces corps patchwork sont morcelés. Les accidents du bois font comme des organes souples. Le couple rappellent des écorchés. Les parties les plus riches sont au niveau du ventre. On y décèle un mécanisme de reproduction complexe. Les deux personnages forment deux éléments d'une même machine ; une machine organique en deux parties ; machine à aimer ou à procréer.

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