dimanche 30 octobre 2011

L'EMBALLAGE



Introduction

L'emballage à la fois protège et représente un produit. La plupart des choses que nous achetons sont emballées. Comme la cuisson ou l'habit, l'emballage est symbolique et culturel autant que fonctionnel. Parfois très résistant, il n'est bien souvent rien de plus qu'une mince apparence. Le vrai, le naturel, dans ce cas est le contenu, la matière physique et générique (du pain) destinée à l'usage et non à l'échange. Le contenu authentique est le non transformé, le cru de l'aliment, le nu du vêtement.

Le rôle du paquet est-il nécessaire ou accessoire. S'agit-il d'une décoration superflue et trompeuse utilisée par le marché ? N'est-il pas au contraire un élément de la culture, dont la force symbolique anime la vie sociale ?






I. Valeur fonctionnelle




A. L'histoire de l'emballage




1) L'époque ancienne

L'emballage, à la préhistoire, a surtout pour fonction de contenir. En - 6 mille, au néolithique, eu lieu la sédentarisation avec une nouvelle organisation sociale. Les échanges commerciaux se multiplièrent. Le transport des denrées fut possible dans des outres, des feuilles, des paniers, des pots, des amphores, des fûts, des caisses. Au -III l'amphore permet de préserver les aliments par salaison. Plus tard apparaîtra la stérilisation.

"L'histoire de l'emballage est indissociable des échanges et déplacements entre les hommes. Dès qu'il faut s'éloigner de la tribu et emporter des vivres, il faut inventer des emballages, pour regrouper, transporter, protéger et conserver. Les premiers emballages datent de la préhistoire. C'étaient alors des peaux d'animaux (la gibecière du chasseur, la gourde), certains coquillages ou des feuilles, des calebasses (courge séchée, évidée). Sont venus ensuite vers 6000 av. J.-C. les céramiques et les paniers (l'amphore où vieillit le vin, où se conserve l'huile ; les vanneries qui transportent les légumes ou enferment les volailles). Vers 1500 av. J.-C., les Égyptiens fabriquaient des récipients en verre. Le tonneau serait une invention gauloise, à l'époque où les romains utilisaient des amphores en argile. Pourtant, si l'on se réfère à un bas relief romain datant de 68 avant J.C, il y figure une barque naviguant sur un fleuve, chargée de deux énormes futailles cerclées de bois. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, cet ancêtre du fût, aux dimensions extrêmement variables, est surtout un instrument de transport des marchandises : vins, alcools et bières, mais aussi du saindoux, des anchois, des olives, de la poudre" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Emballage).

Il faut également prendre en considération les meubles tels que les coffres et malles robustes, avec leurs poignées. Ils étaient prestement chargés pour fuir ou conquérir et leurs solides ferronneries protégeaient du vol les fourrures, les bijoux et la soie ; à leur façon, ils sont les précurseurs des conteneurs.




2) L'époque moderne

"C'est en Angleterre, en 1746, qu'est apparu le premier produit emballé sous une marque : une boîte de poudre contre la fièvre. Ce pays se distingua encore avec l'emballage de savons, d'huile et de moutarde de marque. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les hommes utilisaient au mieux, pour l'emballage, les matériaux que la nature mettait à leur disposition : soit directement : le bois, le liège, le cuir, l'argile, les fibres (chanvre, jute, raphia, osier...) ; soit après transformation : le verre, les métaux, le papier.

Pendant la Révolution française, Nicolas Appert invente en 1795 l'appertisation, procédé de stérilisation à chaud dans des récipients hermétiquement clos, à l'origine dans des bouteilles type champagne : c'est le début des boîtes de conserve.

C‘est la reprise de l'invention du tube de peinture souple du peintre américain John Goffe Rand (1841) par le français Lefranc en 1850 qui permit aux artistes peintres de parcourir la campagne, de ne plus être obligés de peindre en atelier ou par la fenêtre d'une demeure. On peut dire que cet emballage permit l'avènement de l'impressionnisme.

Après les grandes explorations et les conflits qui ont contribué à d'innombrables découvertes pour protéger les aliments, c'est l'exode rural qui va créer de nouveaux besoins. Les ruraux et leurs familles ne consomment plus les produits de leurs champs ou des marchés voisins, il faut mettre en place une logistique pour les ravitailler. Ainsi Paris dès la fin du XIXe siècle, par exemple, s'entoura d'une ceinture de fermes laitières qui l'approvisionnaient quotidiennement. Plus tard, l'achèvement de la ligne Paris-Lyon-Méditerranée et l'usage du cageot contribuèrent à condamner les vergers des mêmes banlieues.

Au début du XIX, apparurent l'appertisation, le couvercle métallique et les sacs en papier. La capsule naquit en 1934, puis la cannette. En 1970, on utilisa le Polychlorure de vinyle et le polyéthylène. Le XXe siècle est le siècle des emballages plastiques. Léger, résistant, inerte, multiforme, le plastique s'impose dans tous les domaines : sacs et bouteilles en polyéthylène, barquettes et pots de yaourt en polystyrène, bidons, films plastiques" (ibid.).






B. Fonctions de l'emballage




1) Rassembler

Tout d'abord, l'emballage permet de rassembler des objets. Un paquet ne désigne pas uniquement l'emballage mais aussi le phénomène de rassemblement de plusieurs objets liés ensemble. L'emballage vise à rassembler le multiple. Étymologiquement, "emballer" signifie "mettre en balle", opération effectuée par des emballeurs chargés de grouper les marchandises, les bagages, les biens dans des balles. Aujourd'hui, il n'y a que les fibres qui soient livrées en balles, par exemple la paille du champ à l'étable, le coton déchargé des cargos ou encore les tissus : la soie, le lin.

Quand les éléments assemblés sont des végétaux, on parle de bouquet, de botte, de gerbe. Le paquet en ce sens est le résultat d'une activité humaine de collecte et de réunion. Le paysan ramasse le blé et forme une botte. On peut noter avec Heidegger que le mot grec logos signifiant "discours" ou "raison" vient de legein qui signifie lier. Le discours et la pensée font des paquets de mots représentant l'union des choses dans l'esprit ou la réalité. Au fond, la culture commence avec le rassemblement artificiel des éléments à sa portée par l'homme. L'artiste rassemble des notes, des formes, des couleurs etc.

Le paquet connote parfois une masse importante, comme dans l'expression "mettre le paquet". Car le paquet évoque la multitude qu'il contient. Le paquet peut signifier un certain désordre (paquet de brouillard, paquet d'entrailles). Un paquet peut-être une personne mal habillée ; paquet devient alors une insulte (paquet d'os). Ce peut être un groupe serré, ou compact d'individus (paquet d'assaillants, de reptiles). Un paquet d'argent est une quantité innombrable. Recevoir un paquet de bonbons est différent de recevoir un bonbon. Le paquet suppose de son destinataire qu'il le gère et non l'ingère d'un coup. Il devient responsable de l'usage qu'il en fait. Le paquet correspond à la gestion sédentaire, à la projection dans le temps.

Le paquet peut être entamé, fermé, etc. Il est donc manipulable et se prête à divers usages, dont le réemploi. Il s'agit ici du paquet à portée de main et non plus du paquet plus éloigné à portée de vue. Il s'agit aussi du paquet dans le quotidien et plus seulement sur un linéaire. Vu ainsi le paquet est un outil. En observant les enfants jouer dans le sable, on remarquera tout ce qu'un emballage en main peut faire : rassembler, porter, mouler, lancer etc. L'emballage est la continuité de la main qui renferme.




2) Protéger

Par sa fonction de protéger, l'emballage est comparable à d'autres produits. Le vêtement et la maison protègent de l'extérieur. "Dans un environnement hostile, nous avons tendance à boutonner nos vêtements jusqu'au menton, à les resserrer contre nous, comme la tortue se rétracte dans sa carapace", écrit France Borel (Le vêtement incarné). Il s'agit donc de protéger le produit contre les agressions externes auxquelles il sera sensible selon sa nature. Mais protéger c'est aussi assurer la conservation de ce produit en parfait état, et donc de le protéger contre le temps autant que contre les chocs, la chaleur, le froid, les rayons solaires, les poussières, l'humidité, la corrosion, les projections de détergent, de carburant ou de tout polluant, et contre les dangers microbiologiques comme les levures, les moisissures, les germes pathogènes etc.

Mais il s'agit également de protéger l'usager contre le produit. L'emballage sécurisé de la soude, avec son bouchon spécial, évite qu'une personne l'absorbe ou s'en asperge par mégarde. L'emballage protège le consommateur encore d'une autre manière. "L'emballage doit garantir l'inviolabilité avant achat (tamper evidence en anglais), pour éviter les fraudes, afin d'interdire à quiconque d'introduire une substance étrangère dans le produit, ou pour empêcher le consommateur de le goûter ou de le sentir. Les moyens de déceler une altération quelconque sont les pattes de fermeture, les scellés des conteneurs, le « plop » à l'ouverture des bocaux qui signale la rupture de vide ou la bague qui se brise en dévissant le bouchon des bouteilles d'eau. L'emballage permet d'éviter que les enfants accèdent aux produits dangereux, chimiques ou pharmaceutiques, tout en restant facilement utilisable par les personnes âgées ou handicapées. On parle d'ergo-conception des emballages" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Emballage).

"D'autre part, il doit protéger le fournisseur : certains emballages sont volontairement agrandis pour ne pas disparaître dans les poches des voleurs. Par exemple, un logiciel qui tient sur un disque est vendu dans une boîte qui pourrait en contenir des dizaines. Enfin, par des astuces de façonnage (marquage invisible, hologramme, puce électronique…), il peut permettre d'éviter la contrefaçon (parfums, médicaments)" (ibid.).




3) Transporter et Stocker

Bien rares sont les produits aujourd'hui livrés sans emballage. Ils le sont souvent plusieurs fois, avec une technique accrue, afin de satisfaire aux exigences croissantes de la logistique et de la sûreté. "L'emballage, souvent conçu comme un élément du circuit de distribution, s'adapte par une forme appropriée à l'espace disponible sur une palette ou dans un conteneur, une mise en rayon rapide pour le détaillant ; par exemple des chaussettes auront un support muni d'un crochet pour permettre immédiatement leur suspente, parfois elles seront livrées dans un support carton, à ouverture rapide, de 20 paires assorties, faciles à suspendre ou à glisser en rayon pour le manutentionnaire, une manipulation facile pour le client. Les petits objets seront groupés : par exemple, une boîte de 100 vis est plus facile à emporter que 100 vis en vrac. À l'inverse, les produits qu'utilisent les professionnels en vrac (farine, sel…) seront avantageusement vendus en petits paquets pour un usage domestique" (ibid.).

Il y a aujourd'hui plusieurs niveaux d'emballage : un film plastique autour du produit, un carton autour du film, une grande boite pour mettre tous les paquets, etc. Le véhicule à son tour peut former un emballage (le camion frigorifique). Le but ici est fonctionnel. Il s'agit de protéger le produit et les informations sur celui-ci (dates, origine, provenance, etc.). Grâce à cela, le produit peut être expédié et reçu. L'emballage permet donc la mobilité. Le paquet est lié au mouvement. Faire son paquet, son baluchon, c'est assembler ses affaires personnelles et les emballer en vue d'un départ.

Le produit existe à travers le réseau : instances de normalisation, services techniques des ministères, ingénieurs, métrologie, laboratoires, organismes certificateurs, associations de consommateurs. Le réseau horizontal désigne l'ensemble des éléments synchroniques (contexte de vente ou de consommation) et le réseau vertical les éléments diachroniques (matière première, design, consommation, déchèterie). Le réseau de transport et de communication est important pour la mobilité. La chaîne de l'emballage est la suivante : imprimeur, usine, entrepôt, magasin, caddie, réfrigérateur ou poubelle, table ou poubelle, nomade ou poubelle.

Il faudrait ajouter avant l'imprimeur, les producteurs d'encre et de papier, de métal, de verre etc. Selon le Canard enchaîné, l'huile minérale dans les encres d'imprimerie migre. Ces huiles attaquent le foi, le cœur et les ganglions lymphatiques des rats en laboratoire. De plus, l'encre des vieux journaux reste dans le carton recyclé. Ufc que choisir a trouvé dans 14/20 produits des traces de ces huiles qui dépassent la valeur fixée par les toxicologues. Le couscous tipiak dépasse de 58 fois la dose recommandée. Les encres végétales, moins nocives que les minérales, sont plus chères. La réglementation européenne n'est pas respectée (Canard enchaîné 5.10.2011).

L'emballage a aussi pour fonction de faciliter l'usage du produit, car l'emballage doit rendre service. La boîte a un bec verseur, le bouchon devient doseur, le bidon offre une poignée, la barquette passe au four micro-ondes et devient une assiette. En un sens il s'agit toujours de transporter un produit, mais à l'échelle domestique, du paquet à la bouche par exemple.




4) Informer

"L'emballage véhicule des éléments réglementaires et d'information sur son emploi. Comment transporter, utiliser ou jeter le produit peut être détaillé sur l'emballage, sur une notice qu'il contient ou sur l'étiquette. L'emballage supporte la traçabilité qui permet de vérifier la fraîcheur d'une denrée (date limite de consommation, date limite d'utilisation optimale). Les informations légales sont nombreuses et parfois illustrées par des pictogrammes. Certaines informations sont obligatoires en braille pour les malvoyants (médicaments pour la santé humaine)" (ibid.). La fonction d'informer suppose également celle de promouvoir le produit par son emballage pour inciter les clients à l'acheter. Le design doit servir à définir l'univers du produit pour qu'il n'y ait pas de confusion possible sur la nature du contenu.

Le label est un tiers dans la relation marchande et donne de la crédibilité. Les mentions scripturales font état de propriétés intrinsèques : goût, forme, fraîcheur, solidité ; et extrinsèques : marque, service, garantie, symbole. Le packaging est le substitut du vendeur dans le libre service L'emballage est la métaphore d'un processus vaste. Le produit est encastré dans l'ensemble des artefacts marchands, dans un vaste et nécessaire réseau d'exo-références. Le sceau du fabricant s'ajoute au conditionnement.

Si les professionnels de la vente tolèrent parfois qu'un consommateur soupçonneux ouvre les emballages, voire goûte, essaye, ou teste un produit, ils ne sauraient laisser le même consommateur disséquer, analyser, démontrer, mettre à l'épreuve certains objets pour voir de quoi ils sont faits - or l'évaluation ultime des produits contemporains relève pourtant de ce genre de pratique. L'information se substitut à cette évaluation en garantissant la qualité du contenu. On trouve d'ailleurs aujourd'hui des indicateurs intelligents de fuite, de fraicheur, de temps, de température.






C. Environnement




1) Les variétés d'emballage.

L'extension de l'emballage ne se limite pas au conditionnement d'unités. D'abord, chaque unité se voit recouverte de plusieurs niveaux d'emballages. L'emballage primaire est en contact avec le produit. C'est l’emballage de vente, c’est-à-dire l’emballage conçu de manière à constituer, au point de vente, un article destiné à l’utilisateur final ou au consommateur. Puis, l'emballage secondaire permet de rassembler ou de valoriser. L’emballage groupé est un emballage conçu de manière à réunir, au point de vente, un groupe d’un certain nombre d’articles, qu’il soit vendu à l’utilisateur final ou au consommateur (par exemple trois sachets de purée dans une boîte), ou qu’il serve seulement à garnir les présentoirs aux points de vente (par exemple, pack de 6 bouteilles d'eau). Il peut être séparé des marchandises qu’il contient ou protège sans en modifier les caractéristiques de conservation. Enfin, l'emballage tertiaire est logistique, destiné à la palette, dans un carton de regroupement, de plus en plus visible dans le discount. L’emballage de transport est un emballage conçu de manière à faciliter la manutention et le transport d’un certain nombre d’articles ou d’emballages secondaires, en vue d’éviter leur manipulation physique et les dommages liés au transport. Le plus souvent, c'est une palette avec une housse plastique qui regroupe plusieurs colis. L’emballage de transport ne comprend pas les conteneurs de transport routier, ferroviaire, fluvial, maritime ou aérien.




A partir de ces grandes distinction, on peut obtenir un classement encore plus fin des différents emballages :

a) Le suremballage consiste à ajouter un emballage à un objet qui est déjà emballé. C'est donc un emballage de second niveau. "Le but est souvent marketing ; il peut aussi améliorer la protection (calage antichoc) ou apporter des informations : par exemple un sachet de denrées surgelées est difficile à imprimer ; en le glissant dans un étui, on lit facilement la recette et la composition. De plus, le carton joue un rôle d'isolant, le consommateur n'a pas les doigts gelés, le produit est mieux préservé des remontées de température, le carton verni évite aux boîtes de coller entre elles dans les vitrines réfrigérées. Le suremballage peut aussi faciliter la manutention : étui entourant 12 pots de yaourt ou film groupant 6 bouteilles d'eau. Il peut être facilement éliminé sans gêner l'utilisation finale du produit. Certaines chaines de distribution ont mis à la disposition de leurs clients des conteneurs permettant de laisser les suremballages inutiles dans le magasin. Le volume de déchets engendré a poussé les distributeurs à faire pression sur les industriels pour réduire le suremballage. Le sac de caisse peut être considéré comme un suremballage. Le réutiliser pour faire d'autres courses, le même jour ou plus tard, l'employer ensuite comme sac poubelle est un geste pour l'environnement (ibid.).

b) L'emballage souple s'oppose à l'emballage rigide, comme autrefois le sac de jute et maintenant le sachet plastique. Il s'agit parfois d'un emballage primaire (ex : un bidon d'huile) mais parfois d'un lot d'articles déjà emballés (ex : un sachet de bonbons en papillote, un lot de 3 balles de tennis).

c) L'emballage sous vide protège de l'oxygène de l'air qui est un important facteur d'altération des aliments. En faisant le vide, on l'élimine et on favorise la conservation. Pour gagner de la place, des couettes, des parkas peuvent être livrés emballés sous vide. Cette pratique s'est répandue avec le café, les cacahuètes salée. Cependant, la viande a tendance à grisailler en l'absence d'oxygène. L'emballage sous atmosphère modifiée ou atmosphère protectrice fait le vide dans l'emballage. Puis on réinjecte un dosage très précis de gaz très purs, le plus souvent de l'oxygène, du gaz carbonique et de l'azote. Ainsi l'oxygène entretient la coloration agréable de la viande. Ce mode de conditionnement gagne du terrain et concerne désormais les sandwichs comme les plats cuisinés ou les fruits secs. Des articles industriels (électrodes de soudure, composants électronique) peuvent également être protégés de l'humidité ou de l'altération grâce à une atmosphère protectrice (ibid.).

d) L'emballage actif modifie l'environnement de l'aliment dans son emballage pour étendre sa durée de vie. Par exemple, les absorbeurs (d'oxygène, d'humidité, d'éthylène), les relargueurs d'additifs anti-microbiens, d'arôme, etc., les préparateurs (actions sur l'aliment pour améliorer sa conservation).

e) L'emballage intelligent est actif, avec la particularité de donner de l'information sur la qualité du contenu. Tout d'abord, les indicateurs chromatiques : leur couleur change irréversiblement si la température d'un surgelé est excessive ou mieux si on atteint le couple «temps/température» ; ou encore si la composition gazeuse est modifiée (introduction d'oxygène dans un emballage étanche). Ensuite, certains détecteurs actifs, par exemple des emballages transparents, vont s'obscurcir si la lumière menace la longévité du contenu, comme certains verres de lunettes. L'électronique miniaturisée est déjà présente avec des étiquettes à identification radio (voir radio-identification) pour la traçabilité ou le passage en caisse sans vider le chariot. L'avenir nous promet des étuis à médicaments qui parleront «vous avez déjà prélevé un comprimé tel jour à telle heure». Vers les années 2020, certains emballages dotés d'une telle puce électronique transmettront des informations sur la quantité, l'urgence à consommer le contenu, directement au micro ordinateur incorporé dans le réfrigérateur. Grâce à ces dispositifs, le consommateur pourra éditer sur l'écran de sa cuisine une recette qui tiendra compte de ce dont il dispose, tout son stock étant connu sans aucune saisie au clavier. Les limites actuelles à l'usage des emballages intelligents sont leur coût, les législations en vigueur et les réticences du consommateur (les radio-étiquettes pourraient nuire à sa vie privée) (ibid.).

f) Les emballages perdus sont les contenants des produits livrés à la clientèle sans consignation (tels que les boîtes de conserve, bouteilles en plastique, pots de yaourt, etc.). Leur valeur est une composante du prix de vente des marchandises concernées.

g) L'emballage jetable est à usage unique. Il est uniquement destiné à protéger le contenu jusqu'à sa complète utilisation, puis il est éliminé. On privilégiera toujours le tri sélectif des emballages usagés afin de valoriser ces déchets.

h) L'emballage réutilisable peut être au contraire utilisé plusieurs fois pour le même usage, après nettoyage éventuel. Le plus souvent, ce type d'emballage est consigné : le consommateur paie une somme d'argent pour l'emporter et récupère cette somme en restituant l'emballage vide. La lourdeur du dispositif, la contrainte écologique du transport d'emballages vides et de leur nettoyage ont considérablement réduit la réutilisation. Désormais, elle se limite essentiellement aux emballages industriels : fûts, caisses spéciales, palettes. On distingue deux types d'emballages récupérables : les emballages identifiables qui peuvent être individualisés, soit au moyen d'un numéro de série, soit au moyen de leur date de fabrication. On y regroupe par exemple les citernes, les conteneurs, les fûts ou les caisses numérotées. Les emballages non identifiables par contre ne peuvent être individualisés. On y retrouve les bouteilles en verre, les casiers, les palettes, etc. Selon leur nature, ils peuvent être non récupérables, récupérables ou à usage mixte (c'est-à-dire indifféremment vendus, consignés ou prêtés).

i) Les emballages d'entreprises sont des biens contenant des marchandises (emballages commerciaux) mais aussi des biens utilisés pour le stockage de matières au sein de l'entreprise (matériel d'emballage). Ces emballages sont utilisés exclusivement par les entreprises et ne sont ni prêtés ni consignés. On y trouve les silos, les installations de stockage des raffineries de pétrole, et de manière plus générale tout contenant destiné au stockage des matières nécessaires à la production des entreprises




2) Les déchets

Il est loin le temps où les ménagères rentraient du marché avec des produits alimentaires dans de vieux journaux, où le vendeur ambulant servait ses frites dans un cornet de papier plié. La notion de vente en vrac, à l'unité, à la pesée est désormais marginale, même si quelques rares produits sont vendus sans emballage : le carburant à la pompe ou les pneumatiques qui ne craignent guère les chocs et sont vendus garnis d'une simple étiquette.

Le déchet d'emballage, après utilisation, doit être valorisable pour minimiser son impact sur l'environnement. On parle d'écoconception des emballages. Les emballages représentent 50 % en volume et 30 % en poids des déchets ménagers. Même si le poids des déchets d'emballages reste stable, le nombre d'unités d'emballages augmente globalement. Un sondage publié en mars 2009 montre que 79 % des Français considèrent que la réduction des emballages devrait figurer parmi les actions prioritaires pour développer une consommation durable. Par ailleurs, 47 % des Français pensent que les emballages sont trop envahissants. La collecte d'emballages vides progresse.

Les entreprises qui conditionnent des emballages remis au consommateur final doivent contribuer au dispositif «point vert» pour chaque emballage commercialisé. Le point vert sur les emballages signifie que l'entreprise a payé une contribution à Éco-emballages (en moyenne 0,7 centime d'euros par emballage, selon le matériau et son poids). Le paiement de la contribution autorise les entreprises à utiliser ce logo représentant deux flèches vertes enroulées. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le point vert ne veut pas dire que l'emballage est recyclable ou recyclé.

Tous les emballages ne sont pas pour autant obligatoirement destinés à être jetés. L'emballage peut être détourné de son usage, distinctement ou non de son contenu : par exemple, le blister contenant des vis, dont une partie constitue un tiroir intégrable à un petit meuble fourni à part ; ou le récipient utilisable pour la consommation de son contenu alimentaire et susceptible d'être conservé, éventuellement avec d'autres emballages semblables, en vue d'usages ultérieurs ; le coffret plus ou moins richement décoré contenant un produit destructible, utilisable ensuite pour la décoration ou le rangement, sans compter les innombrables bricolages d'enfant pour transformer une bouteille en mangeoire ou un carton en masque. Cependant la réglementation exige que, malgré ces utilisations temporaires, chaque emballage soit valorisable en fin de vie (ibid.)






D. Economie

La production d'emballage est une activité économique de premier plan. Elle consomme principalement du plastique, du carton et leurs dérivés. En France, l'emballage est le 8e secteur industriel, autant que l'aéronautique. Le chiffre d'affaires est de 19 milliards d'euros, avec 2 000 établissements et 122 000 salariés, la France couvre 30 % du secteur de l'emballage en Europe. La France est aussi le troisième exportateur mondial d'emballages, derrière l'Allemagne et les États-Unis, le plastique représentant à lui seul 40 % des exportations. Le secteur français des emballages en verre est concentré sur quelques industries lourdes, bien qu'il soit mieux réparti géographiquement ; celui du plastique est atomisé sur tout l'hexagone, celui du bois reste très artisanal et bien sûr proche des grandes forêts. L'industrie agroalimentaire est la première consommatrice d'emballages, avec 66 % du chiffre d'affaires de l'industrie de l'emballage. Elle est également celle qui est la plus confrontée à des exigences réglementaires et ce à tous les stades de la chaîne de production jusqu'à la consommation des produits.

Les matériaux, répartis en % des facturations France (SESSI 2006), sont : le plastique 35 % (était à 30% en 2000), le papier et le carton 32 % (était à 34 % en 2000), le métal 13 % (était à 14 % en 2000), le verre 11 % (était à 14 % en 2000) et le bois 9 % (était à 8 % en 2000). La répartition en tonnes diffère évidemment, en raison par exemple de la différence entre verre et plastique, ne serait-ce que le poids d'une bouteille. Pour un gisement annuel d'emballages de 12,3 millions de tonnes (Adème 2002) pour la France : papier et carton 4,2 millions de tonnes, verre 3,4 millions de tonnes, bois 2,1 millions de tonnes, plastique 1,9 million de tonnes, métaux 0,73 million de tonnes.

L'emballage est presque systématiquement utilisateur de cartonnage, le plus souvent en groupage d'articles (emballage secondaire). Mais pour le contact direct, des procédés d’imperméabilisation ont été mis au point pour améliorer la protection des produits. La production de cartonnage a doublé au cours de ces dix dernières années. En 2000, la France a produit plus de 3 millions de tonnes de carton ondulé. En France, le chiffre d'affaires annuel de cette industrie est estimé à 2,8 milliards d'euros répartis en environ 450 entreprises. Ces entreprises dites «cartonnières» sont en majorité des PME, les plus importantes ne dépassant pas 500 salariés.

Partout dans le monde, l'emballage est le premier débouché des matières plastiques. En France, cela représentait, en 2002, 39 % de la consommation de plastique, devant le bâtiment et l'automobile. En Europe, le taux est de 40 %. Le plastique est au premier rang de l'emballage en France, avec 34 % du marché, devant le papier carton. L'agroalimentaire absorbe 65 % des emballages plastiques (réciproquement, 50% des aliments sont emballés dans du plastique). Viennent ensuite les produits d'entretien (13 %), l'hygiène, la santé, la beauté (12 %), l'industrie et le transport (10 %). Les matières plastiques employées sont indiquées à l'aide de codes visuels (un chiffre entouré d'un triangle fléché).

La directive européenne précitée établit une distinction très précise de l'emballage. Par exemple, le boîtier pour CD, réutilisable et indispensable à la bonne préservation du disque, n'est pas un emballage. Par contre, le film qui l'entoure pour la vente est un emballage. Le film étirable vendu en rouleau pour usage domestique n'est pas un emballage mais celui qui emballe la viande choisie au rayon boucherie est un emballage. Le boyau synthétique des saucisses, les cartouches d'encre, les bâtonnets pour brasser le café, les sachets de thé ne sont pas des emballages. Il est vrai que ce texte détermine le cadre pour le paiement de la contribution au recyclage, il importe qu'il soit précis (ibid.).






II. Valeur symbolique




A. La face et le dos de l'emballage

Le verso d'un paquet possède pour fonction d'informer. Des données factuelles et quantitative y indiquent l'origine, le poids, la date, la composition du produit. Le dos donne donc des explications. Il répond à une nécessité juridique. Les figures sont imposées. En revanche, le recto ou la face d'un paquet présente des informations plus symboliques, sensorielles et qualitative. Elles précisent la marque, le label, jouent avec la couleur, la mise en scène, et visent à promouvoir le produit. Sur le facing apparaît l'alerte : allégation, promesse (hypoallergénique, sans sucre), le label (rouge), l'information additive (produit de l'année, vu à la télé) ou promotionnelle (gratuit). Les figures sont relativement libres. La face est l'objet d'un effort visuel particulier accru, par rapport au dos.

Les informations visuelles du recto répondent à de nombreux principes sémiotiques. Il y a par exemple plusieurs sortes d'images et de formes. L'image peut simplement ressembler à ce qu'elle dénote (un pictogramme, un dessin stylisé). Elle peut également renvoyer de manière indirecte et métonymique à quelque chose par un rapport de voisinage (la vache représente le fromage sur une boite, le coquillage de Shell est lié au forage en mer). L'allusion peut se faire par comparaison et métaphore (l'orange est un soleil sur une boite de jus de fruit). Le symbole lui est arbitraire et ne peut être compris que si l'on connait la convention (drapeau, texte). Les figures de style employées ont pour objectif de donner des information de manière suggestive, en stimulant l'imaginaire et en cherchant les connotations les plus positives possibles.

Les couleurs possèdent également différentes connotations. Le jaune est lumineux (miel), le vert calme (bio), le bleu et le blanc sont propres (lessive). L'orange est énergique (exotisme), le rouge connote la force et la technique, le noir connote le néant (alcool), le violet est mystique (parfum). La couleur a aussi un pouvoir synesthésique. Elle évoque le goût, l'odeur, le poids, le volume, la température, etc. Le rose, par exemple, est sucré. Le violet est parfumé.




B. L'habillage

Nous voudrions faire une comparaison entre l'emballage et le vêtement ; d'abord parce que le vêtement emballe le corps et ensuite parce que l'emballage remplace le produit nu, c'est à dire générique (de l'eau, du pain, du sucre). Il lui donne une identité (Vitel, Pasquier, Candie) et un statut, tout comme le vêtement. Ainsi, l'emballage peut-il être perçu comme un indice du passage de la nature à la culture.

Il n'y a pas d'homme nu. "L'homme nu est un mollusque" dit Lacan. "Etre nu, c'est être sans parole" écrit M. Griaule, dans Dieu d'eau. Le vêtement est donc une parole. Il donne la parole. Dans toute culture l'habit remplace le nu. De même, le feu permet de remplacer le cru par le cuit. Quant à l'habitat, c'est un habit plus vaste que le vêtement et enraciné, à la différence de l'escargot qui porte encore son habitat comme un habit. L'habitude, mot également issu de la racine habere signifiant avoir, est aussi comme un vêtement, celui de la culture qui donne sens à notre vie physiologique.

L'emballage participe donc du phénomène culturel qui possède le caractère d'un excès par rapport à la nature. "Toute société, aussi pauvre soit elle, disposerait d'un excédent d'énergie qu'elle canaliserait vers l'inutile, dans la matérialisation de ses désirs de perte.(...) La gastronomie, l'érotisme, les soins du corps sont autant de techniques destinées à sublimer, dépasser et rendre culturels les besoins élémentaires" (France Borel, Le vêtement incarné). Le phénomène culturel a pour visée la signification et non l'usage. Le corps apprêté pour une cérémonie religieuse, artistique ou commerciale n'est plus considéré selon l'usage. La danse, par exemple, constitue une dépense apparemment gratuite. Elle n'a aucun lien avec un besoin physiologique (même si on prétend parfois danser pour se défouler). Cela doit nous donner à comprendre pourquoi il est difficile, voire impossible, pour l'économie de l'emballage de se plier à des règles raisonnable et économes. La dimension festive de l'emballage l'incite à l'exagération.

L'emballage dissimule le produit nu et le remplace par un habit qui le valorise. Peut-on rapprocher cela du phénomène de la pudeur ? La pudeur de l'homme habitué à s'habiller permet de cacher le corps et de le sublimer. "Le moine, par exemple, se protège contre l'immoralité et les pièges du monde des pécheurs par son habit rudimentaire et entièrement enveloppant" (Ibid.). "La pudeur participe d'un sentiment obscur naissant d'une tension entre les exigences de la personnalité spirituelle et les servitudes corporelles" (ibid). La pudeur est une honte du nu, du cru, du sauvage et doit être recouvert (usage du mouchoir, du parfum). Mais il faut noter la chose suivante. "Entre exhibitionnisme et pudeur ne règne nullement l'incompatibilité que l'on pourrait croire. La parure est un ingénieux système visant à instaurer une certaine harmonie entre des intérêts antagonistes ; en modifiant la forme apparente du corps, elle procure un sentiment accru de puissance, le sentiment de l'extension de moi corporel" (ibid.). Il s'agit donc de remplacer le donné par le construit, exactement comme l'emballage fait basculer le produit dans le domaine du symbolique. Ce que la pudeur redoute, c'est le corps débarrassé de ses signes et réduit à une sorte de vulnérabilité anonyme.

Comme le vêtement, l'emballage peut être dans un rapport étroit ou ample avec ce qu'il contient. "La parure (parfois) se soude à la peau, se soude au corps en constituant avec lui une entité indissociable" (ibid.). Mais, dans certain cas, elle remodèle le contour. Ainsi le vêtement est un "emballage qui simultanément, voile et dévoile, simule et dissimule. Physiquement autonome, il est néanmoins intimement lié au corps dont il s'attribue odeur et chaleur, et auquel il offre en échange un statut" (ibid.). Il peut donc y avoir dialogue entre emballant et emballé. L'habit décide de cacher mais aussi de mettre à nu. Il montre cheville ou cuisse, mollet ou genou ; il joue du décolleté, fixe effectivement ou symboliquement certaines parties anatomiques.

Le nu peut lui-même devenir paradoxalement l'habit. "Notre siècle, en remisant le corset, l'(a) insidieusement remplacé par la musculature". "Si nos aïeules se protégeaient du soleil avec voilettes et ombrelles, nous étalons nos moindre replis afin d'habiller notre nudité d'une pellicule impalpable mais colorée, provisoire mais tellement éloquente. On le croit nu, il est habillé de pigments (bronzage)" (ibid.). L'emballage peut fusionner avec l'emballé. Or, le produit frais est lui même habillé, moulé, avec son calibrage, sa couleur. Un sélection impitoyable permet à un produit de figurer dans un étalage. De manière générale, le regard habille en fonction du contexte. Le nu pour le médecin n'est pas le même que pour l'amant ou l'artiste. De même, le produit, même sans emballage apparent, fait toujours l'objet d'une mise en scène.

Le vêtement, mais aussi le masque et le maquillage, se trouvent réservés aux occasions exceptionnelles ou à des circonstances particulières. Il y a les parures de fêtes et de spectacles, les habits de travail ou de détente. L'emballage aussi marque le temps, bat la mesure sociale. Le marketing événementiel consacre par exemple la naissance d'un produit. Le produit fut apprêté pour apparaître dans les rayons. A la maison, l'emballage doit se faire moins tape à l'œil et plus fonctionnel. Parfois même, un produit quitte son carton pour rejoindre un pot plus neutre. Comme nous, le produit se débarrasse de son lourd apparat pour rentrer dans l'univers plus décontracté de la maison.

L'emballage, surtout pour la nourriture, rejoint aussi l'embaumement. "Les multiples rituels funéraires, ayant pour objectif premier de conjurer la putréfaction du cadavre, démontrent avec pertinence qu'au delà même de la vie l'état de nature est catégoriquement refusé par la mise en œuvre souvent laborieuse et coûteuse d'une large diversité de moyens. D'une façon ou d'une autre, la pourriture potentielle doit être sublimée, voire gommée. Ainsi, selon les cultures, on fait la toilette du mort avant l'enterrement, on l'embaume, le momifie, le tatoue l'habille de linceul blanc, on le recouvre de pigment" (ibid.). L'emballage de la nourriture est assimilable à l'embaumement des corps, dans la mesure où il s'agit de lutter contre ce qui pourrait dégoûter. L'emballage protège de la pourriture, de l'odeur forte, des insectes et des bactéries. Il assure l'hygiène mais également la théâtralité du produit. "Les cérémonies mortuaires ont pour pour objectif, avoué ou non, de mettre de l'ordre dans l'effet révoltant du cadavre" (ibid.). L'apparat, d'une manière ou d'une autre, vise à assurer un ordre. Il s'agit de faire entrer les choses dans la structure du code symbolique. Comme les tatouages ou les maquillages, l'emballage doit détourner notre attention. "Les motifs (tatoués) captent le regard ; la silhouette elle même paraît abolie" (ibid.). Il s'agit de détourner le regard, de l'attirer vers le plus important. Souligner les yeux, qui sont éternellement jeunes, c'est faire oublier la ride qui marque le temps. Le maquillage, comme l'emballage, tente de projeter les corps dans une dimension d'éternité. "Corps et visage maquillés souhaitent - illusoirement - se soustraire aux lois du temps, mais les moyens employés, contrairement à ceux des transformations irréversibles, sont étrangement éphémères" (ibid.). L'emballage n'est également présent qu'à un certain moment de la vie du produit. Ce moment est celui ou le produit n'existe pas simplement dans sa valeur d'usage, mais dans celle plus symbolique d'échange.




C. La Séduction.

L'emballage est un objet de séduction auprès du consommateur. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder la publicité télévisée d'un produit. Elle présente toujours son emballage durant un court instant voire toute la durée de la séquence. L'emballage est toujours la première vision que l'on a d'un produit. Dans les vitrines également, le produit et son emballage apparaissent ensemble, l'emballage explicitant l'identité du produit. Nous allons voir que l'emballage est comme un masque et que le masque peut fonctionner comme fétiche sans être porté. C'est que le masque est avant tout une sculpture.

L'emballage est un masque qui peut tomber. Faire tomber le masque, c'est révéler. L'expression "déballer le paquet", signifie avouer complètement, dire ce qu'on a sur le cœur, cracher, lâcher le morceau, confesser, avec l'idée d'une libération. C'est aussi dire la vérité, se mettre à nu. On fait tomber le voile. Cela laisse entendre que l'emballage comme le masque permet la tromperie. La cosmétique est un leurre. Mais en même temps, l'emballage garantit l'authenticité et la traçabilité. Il nous renseigne sur l'origine et la composition d'un produit. C'est que ce qui permet le vrai permet aussi le faux. L'emballage peut tromper dans la mesure même où il peut informer.

Si le verso est réservé à l'information objective (le positionnement, le rapport qualité prix, la cible, le service, le stockage, le rangement, l'usage), le recto possède un fonction médiatique, marketing et séductrice et attractive. La fonction séductrice apparaît en 1852, dans les magasins Le Bon marché. Elle permet de faire vendre (Lowie 1930), puis plus tard de différentier dans un panel large, de communiquer, de rentabiliser, de survivre, et de muter avec le e-commerce et l'interactivité.

Il y différentes étapes dans la séduction, même dans les rayons des magasins. A 10 m, on ne perçoit qu'une masse colorée dans les rayons. C'est la phase d'identification et de démarcation parmi les concurrents. A 2m la séduction est recherchée, à 1m la marque du produit est perceptible. Au pied du produit, c'est le moment de la préhension sollicitant les quatre sens en vue de l'adhésion et de la décision d'achat. Identifier, séduire, convaincre résume ce mouvement. Les emballages fonctionnent comme des appâts.

"Séduire, c'est mourir comme réalité et se produire comme leurre" affirme Baudrillard (De la séduction). L'emballage peut être perçu comme la négation du contenu et non sa valorisation. Cette critique plonge ses racines dans l'antiquité. Les grecs distinguaient clairement la cosmétique (toilette) de la commotique (fard), comme la diététique de la gastronomie, l'icone de l'idole ou la philosophie de la rhétorique, selon la distinction vérité-opinion. Suivant les prescriptions de Platon dans La république, le pouvoir chrétien combattit la séduction. "L'église, bien sûr, a voulu mettre le holà face au pullulement des fards, mais la condamnation officielle et moult fois répétée à travers les siècles n'a jamais permis de se débarrasser des artifices" (F. Borel). L'église et le communisme n'aiment pas le fard mais ont échoué à le faire disparaître là où le capitalisme l'a développé et peut-être vidé de sa substance. On se farde pour s'inventer soi-même mais en même temps se conformer aux coutumes. Il faut ajouter que la condamnation de la séduction impliquait la suspicion à l'égard de la femme. "La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une espèce de devoir en s'appliquant à paraître magique et et surnaturelle» écrit Baudelaire. La femme magique romantique est une fée enchantée, un objet de fantasme, comme nos mannequins publicitaires.

L'emballage est donc un outil de séduction. Le travail du design de packaging vise à dynamiser les ventes. Désormais, lorsque les innovations sont difficiles sur le produit, son fabricant le différencie par le packaging. En effet, comment se faire remarquer par exemple parmi tous les choix de lait UHT demi-écrémé ? Par exemple, en choisissant une brique aux couleurs voyantes, en offrant une poignée, un bouchon, une bouteille octogonale, etc. Tous les matériaux ont leurs atouts et leur marché. Cela peut facilement se rapprocher de la publicité mensongère, c'est pourquoi nombre d'emballages font figurer la mention "Suggestion de présentation".




D. Art et emballage.

L'emballage peut n'avoir aucune fonction utilitaire. Il serait plutôt une démonstration de créativité. Le Paquet-cadeau est un emballage fantaisie, qui n'a aucune utilité - alors que le paquet-poste n'est qu'utilitaire. L'emballage fantaisie appartient aux arts décoratifs. Au japon, on trouvera le Tsutsumu ou le Furoshiki, art de l'emballage de faire de jolis paquets quand on offre un présent. Le japon possède tout un art du paquet et du cordage. Le contenant, parce qu'il est confectionné, est plus important que le contenu souvent acheté, explique Barthes, dans L'empire des signes. Il relève également la multiplicité d'objets de transport qu'il voit au japon, de sacs, de valises et de linges. Les objets mais aussi les fleurs sont emballées avec art. Dans un bouquet japonais ikebana, ce qui est produit c'est la circulation de l'air (...). Le bouquet japonais à un volume. L'enveloppe en soi est consacrée comme chose précieuse quoique gratuite". Barthes évoque également le shibari ou kinbaku qui emballe le corps. Cet art érotique, que nous percevons en occident sous un jour sadomasochiste (bondage), exprime en fait l'étreinte amoureuse. Le ficelage des corps est un moyen de relaxation et non un instrument anxiogène.

Nous pourrions également d'une certaine façons répertorier un ensemble complexe de techniques d'emballages commerciaux : "la tendance cosmétique où le design joue de plus en plus avec les couleurs jusqu'à créer la confusion avec le haut de gamme et le luxe. Certains, à l'inverse, s'inspirent parfois de l'emballage usuel (ex : le couturier Jean-Paul Gaultier avec une boîte de conserve) pour leurs parfums. Avec la tendance câline, tandis qu'Internet ouvre des marchés potentiellement planétaires, le local et la notion d'appartenance deviennent des valeurs qui rassurent le consommateur. On met des cœurs là où on s'y attend le moins (eau minérale, glace), des fleurs sur le papier hygiénique. On fait appel à des designs anciens pour rappeler l'emballage de notre enfance. La douceur est un rempart et un repère culturel fort dans un monde où l'avenir est parfois incertain. Il y a aussi la tendance autrefois : non au gigantisme, à la mondialisation. Les marques s'humanisent en prônant l'artisanal, le terroir. Cette notion, qui rassure et éveille la mémoire, est utilisée pour remettre en avant des produits présents depuis longtemps, voire lancer de nouveaux produits évoquant un temps plus ancien pour rappeler les étiquettes de notre enfance. Dans l'emballage, cela se traduira par l'emploi du papier, du bois, du grès (ou imitations). La tendance pratique, elle, consiste à se distinguer en offrant à l'utilisateur le plus qui rend l'emballage pratique, par exemple la boîte à fromage qui fait cloche de présentation, l'assouplissant en flacon avec poignée et bouchon doseur. L'individualisation des conditionnements fait partie de cette adaptation. Citons aussi la tendance événementielle : les encres thermochromiques signalent la température du produit, les images (bouteilles de cocktail) qui n'apparaissent que dans la lumière noire des discothèques, l'impression holographique qui changent la vision selon l'angle d'observation. Parfois les entreprises joignent, avec le produit, des cadeaux ou des bons de réduction pour que cela tente plus les clients. Cette pratique s'intitule co-packing.

L'innovation est une valeur importante du secteur de l'emballage. C'est un secteur très réactif, attentif à la diversité de ses utilisateurs : agroalimentaire, parfumerie, droguerie ou pharmacie dont les attentes sont variées et évolutives. L'intégration de nouvelles techniques lui permet d'accompagner, voire de devancer certaines évolutions de consommation comme de distribution des marchandises. Chaque année depuis 1955 sont attribués les Oscars de l'Emballage, site officiel qui récompense les meilleures solutions d'emballage et de conditionnement. On retiendra en 1955 le berlingot Tetra Pak pour du lait pasteurisé, en 1958 la dose de Javel en PVC souple de Solitaire, en 1960 l'avènement de l'apéricube des fromageries Bel, en 1962 la première bouteille plastique pour l'emballage de l'huile par Lesieur, en 1966 Cébal est primé pour sa boîte alu avec un couvercle à languette qui permet de déchirer une languette en spirale, en 1972 les flocons de calage Flo-Pak en forme de 8, en 1975 les fameux colis en carton de La Poste, en 1982 le conteneur souple en polypropylène tissé de Saint Frères, en 1985 le mini-fût en forme de tonneau Obernai par CarnaudMetalBox, encore la bière à l'honneur en 1994 avec la bouteille BSN au relief 1664, le Roquefort Société voit son « système cave » récompensée en 1996, tandis qu'en 1999 c'est un procédé, « Actis » de Sidel, qui reçoit un Oscar. Ce fut une belle introduction dans le Troisième millénaire de l'emballage puisqu'il apportait, par une forme de vitrification interne, des caractéristiques étonnantes de conservation à une bouteille plastique" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Emballage).

L'emballage, une fois devenu obsolète dans les magasins, peut encore intégrer le musée. La gratuité de l’emballage perdu fait sa valeur, son design crée des passions et son évolution perpétuelle ajoute un goût d’autrefois à la découverte de vieux emballages ou d'étiquettes qui les ont illustrés. Ainsi l’emballage est jugé digne de figurer dans des vitrines, des albums et fait vivre de bons moments à des passionnés. La consécration, pour une collection, est de susciter l'ouverture d'un musée. Il existe un musée de l'emballage en Allemagne («Deutsches Verpackungsmuseum» - Heidelberg) ainsi qu'un musée des marques, de l'emballage et de la publicité en Grande-Bretagne ("Museum of Brands, Packaging and Advertising"- Londres). En France, on trouve de nombreux musées autour du flacon de parfum, à Paris, La Rochelle, Grasse, dans le Var, les Bouches du Rhône. A voir également un "musée du liège et du bouchon" à 47-Mézin.

Pour, Fabrice Peltier, auteur de Art, échanges créatifs, il existe des liens profonds entre l'art et le packaging depuis la naissance de ce dernier, au début du XIXe siècle. Souvent mal jugé, le packaging a été extrêmement attaqué en tant que symbole des excès de la société de consommation. Il y a quelques années, une exposition présentée au Musée des arts déco sur l'art et la publicité avait ravivé la polémique accusant les publicitaires de piller dans l'histoire de l'art. Pourtant, art et packaging ont toujours été intimement liés. L'ouvrage montre que ce n'est pas uniquement le packaging qui utilise l'art, mais aussi les artistes qui s'inspirent des emballages qui les entourent. Les échanges ont toujours eu lieu dans les deux sens. Historiquement, d'ailleurs, les premiers emballages ont été réalisés par des artistes, désormais très reconnus, comme Leonotto Capiello ou Alfons Maria Mucha. Très rapidement, les emballages ont inspiré les peintres. La naissance du mouvement impressionniste est d'ailleurs liée, en grande partie, à l'invention d'un emballage : le tube de peinture. Ce nouveau moyen de transporter la peinture a totalement bouleversé la manière de représenter la nature en permettant aux artistes de se rendre sur le motif avec leur chevalet et d'observer que les paysages n'étaient pas figés, mais emplis de vibrations. Par la suite, de nombreux artistes comme Pablo Picasso, Marcel Duchamp ou encore Alexander Calder ont fait rentrer des emballages dans leurs oeuvres.

Selon Fabrice Peltier, un packaging est une oeuvre d'art. Il suffit de se rendre au département des antiquités du musée du Louvre pour constater que la plupart des objets présentés, qu'ils soient étrusques ou grecs, sont des flacons, donc des emballages. Aujourd'hui, ces objets sont qualifiés d'oeuvres d'art parce qu'ils ont plusieurs siècles derrière eux. Depuis, d'autres exemples ont démontré que le packaging pouvait donner naissance à une oeuvre d'art. En immortalisant la boîte de conserve de Campbell's Soup, Andy Wharhol a sublimé l'emballage. De même, les oeuvres de Christo incarnent littéralement l'art de l'emballage. Les barriques Château Puech Haut peuvent d'ores et déjà être appréciées comme des œuvres d'art, et bien d'autres emballages seront, à terme, considérés comme tels.




F. Le mythe et le masque

Roger Caillois distingue l'art du mythe de la façon suivante. "La communication entre l'œuvre et le public n'est jamais affaire que de sympathie personnelles ou d'affinité de tendance - affaire de goût, affaire de style. Le verdict définitif relève toujours de l'individu, non que la société n'influe pas, mais elle propose sans contraindre. Le mythe, au contraire, appartient par définition au collectif, justifie, soutient et inspire l'existence et l'action d'une communauté, d'un peuple, d'un corps de métier ou d'une société secrète" (Le mythe et l'homme). Le mythe exerce une contrainte collective dont l'art se défait. Toutefois l'individu n'est pas extérieur au mythe. Le mythe représente à la conscience l'image d'une conduite dont elle ressent la sollicitation (ibid.). Le mythe plonge ses racines dans l'affectivité de l'individu. Pour que l'homme lie son destin à celui de la société, il lui suffit de percevoir avec évidence que les mêmes forces fondamentales qui régissent sa vie profonde ont également prise, amplifiées et toujours impératives, à l'échelle sociale. On peut dès lors suggérer que le mythe est une domestication de la pulsion individuelle.

On peut ajouter, sur un plan plus concret, que la foule nous amène à réagir de façon grégaire, qu'elle provoque une excitation qui abaisse notre seuil de défense. Dans un grand magasin, les achats peuvent devenir compulsif et irréfléchis. On l'aura compris, l'acte d'achat s'inscrit dans un cérémonial commercial qu'un anthropologue confondra aisément avec les rites les plus traditionnels. Les mythes modernes sont encore moins compris que les mythes anciens, quoique nous soyons dévorés par les mythes, écrit Balzac (La Vieille fille). Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l'atmosphère : mais nous ne le voyons pas dit également Baudelaire (salon).

Nous sommes tentés de développer une analogie entre l'emballage et le masque. Le masque fut un instrument religieux avant d'être un accessoire de spectacle. L'emballage et le masque se distinguent en ce que le masque habille la chair du visage, alors que l'emballage enveloppe le vulgaire produit. Mais ils sont d'autant plus proches que nous entretenons avec les choses un rapport de projection, d'entrelacement, qui fait que nous nous voyons à travers eux et les voyons à travers nous. Nous nous comportons en fonction de l'image que nous visualisons de nous-même de l'intérieur. Quant aux images extérieures, celles de la publicité, elles peuvent forger justement l'image que nous voulons avoir de nous-mêmes.

Le masque est un souffle de l'au-delà (Oslan , Masque et rituel). Il fait revivre le mythe, et est inséparable des gestes rituels et du contexte. Le masque est la figuration des dieux, de manière visuelle et parfois sonore. Le masque est le regard de l'au-delà et notre regard sur l'au-delà. Le masque est un point d'articulation entre vie et mort. Comme l'emballage, le masque est soit détruit soit abandonné une fois le rite consommé.

Le masque transmet le message de nulle part. Certains masques n'ont pas d'ouverture pour les yeux. Leur spectateur font face à leur regard aveugle et y projette un monde. Le porteur du masque a le regard plongé dans les ténèbres et possède alors tout l'espace. Le masque exprime alors la terreur ou l'apaisement. Les emballages commerciaux se veulent également apaisants, mais sont en réalité violents dans leur volonté affichée de se démarquer des concurrents.

Le masque est un fétiche. Il est une statue portée, comme la statue est un masque déposé. Le fétiche a le pouvoir de guérison. Activé par le chaman, il prévient ou guérit la maladie. Le rythme instrumental ponctue le rituel, tout comme celui de la musique de supermarché. Le masque confond le mort et le vif. Il y a tout lieu de le craindre. Quoi de plus épouvantable qu'un cellophane sur le la viande, qu'une boite de conserve oxydée.

Tout comme la marchandise, les objets du rituel entrent dans un cycle de gaspillage de biens et d'argent. Ce temps de fête et de carnaval voit l'abolition du temps profane profondément économique. L'emballage ne saurait être raisonnable pas plus qu'un carnaval ne saurait être discret ou un banquet frugal.




Conclusion

Nous avons vu que l'emballage est aussi ancien que la civilisation et qu'il possède une importance cruciale dans l'organisation matérielle de nos sociétés. Avec la société de consommation, l'emballage à pris une importance énorme. Il aujourd'hui à la fois un instrument de communication redoutable et encombrant et un vecteur des mythologies modernes. Ainsi la volonté de réduire les emballages, avec la pollution de l'environnement naturel et social, se trouve confrontée à un vaste système à la fois économique et symbolique, infrastructurel et superstructurel.


2011