jeudi 12 mars 2015

OGM

Les révolutions industrielles ont bouleversé tous les aspects de la vie partout sur la planète, dans notre façon de nous distraire, de travailler, d'habiter, de nous nourrir, etc. Ces bouleversements concrets sont considérés comme des progrès en termes de confort, de sécurité, d'abondance, etc. Néanmoins, cette vision idyllique fut remise en cause lorsque des conséquences imprévisibles et inquiétantes surgirent avec, par exemple, les guerres modernes (camps, armement) et les catastrophes industrielles, mais aussi les bouleversements sociaux (crises, chômage, misère).
Nous nous concentrerons sur la question alimentaire pour étudier cette évolution impulsée par les technologies, à travers la questions des organismes génétiquement modifiés qui touche au rapport du monde industriel aux êtres vivants. Peut-on considérer les évolutions technologiques comme des améliorations du vivant et de nos modes de vie, au même titre que les progrès accomplis par les générations passées depuis la préhistoire ? Doit-on s'inquiéter que certaines limites aient été franchies et au-delà desquelles nous nous mettons en danger ainsi que notre environnement ?





I. Le génie génétique



La génétique moderne se distingue de la sélection massale des meilleures semences, du bouturage, du marcotage et du greffage, en ce qu'elle se pratique en laboratoire à une échelle microscopique (transgenèse). Cette technologie valorise la place de l'expert et du scientifique par rapport à celle de l'agriculteur. Elle rend possible une hybridation et une mutation des espèces auparavant impossibles.

Ces modifications génétiques des organismes s'inscrit clairement dans le projet cartésien de "se rendre comme maître et possesseur de la nature" ; avec des espoirs aussi divers que la disparition de la famine, de la maladies, de la mort, voire la résurrection des espèces disparues (Jurassik Parc). L'action des scientifiques en général s'étend aujourd'hui en profondeur, au cœur de la nature, pour atteindre les cellules, les molécules et les atomes. Ainsi elle influence les processus naturels à la racine, à l'origine (genos en grec). Dans le cas de la génétique, ce n'est pas uniquement sur l'individu que l'on agit, mais sur toute l'espèce, à travers l'hérédité, et à plus long terme sur les autres espèces et tout l'environnement.

La démarche radicale du scientifique s'inscrit dans la recherche d'efficacité et de puissance propre à la technologie et au productivisme, mus par la quête de l'abondance (hormone de croissance, sélection et transfère des gènes d'intérêt, multiplication du rendement pour accompagner l'essor démographique, optimisation des organismes). Cette logique de croissance et d'expansion est propre également au modèle capitaliste, au détriment des principes d'équilibre et de mesure. Elle se justifie socialement par la promesse utilitariste de l'abondance et d'un plus grand bonheur pour le plus grand nombre. La culture des Ogm se veut écologique et saine. Elle prétend nous débarrasser des intrants, grâce à des Ogm capables de se défendre seuls contres les parasites, tout en produisant aussi des Ogm résistants aux herbicides. Y. Chupeau, dans Ogm, quels risques ?, prétend, que l'association du glyphosate, puissant herbicide, et de la semence modifiée qui y résiste est une solution écologique et pratique. L'industrie génétique nous promet des plantes plus nourrissantes, résistant au gel, à la sécheresse et au soleil. Sur le plan de la santé, la modification génétique doit permettre de traiter le diabète, les épidémies, le cancer, l'hémophilie, la cécité, la myopathie et la maladie de parkinson. Les applications militaires doivent également représenter un progrès aux yeux des ministères de la défenses.

La question de la modification génétique des plantes n'est donc qu'un aspect de la modification des organismes vivants. Les techniques sophistiquées liées à la procréation en sont un autre aspect, qu'il s'agisse du clonage, de la thérapie génie, de la PMA, etc. Ces technologies côtoient d'autres technologies concernant l'inerte, comme la chimie moléculaire, la fission atomique, les nanotechnologies, etc. La logique reste la même qui consiste à intervenir de manière volontariste au cœur de la matière, a tenter tous les bricolages, afin de transformer la nature et de la rendre plus adaptée à l'homme, ou du moins à une certaine idée de l'homme. La nature est conçue comme un Méccano, un Légo ou un code. Son principe mécanique repose sur l'articulation de briques traduisibles en symboles, que ce soit les éléments de Mendeleiev, le langage binaire des ordinateurs ou les quatre bases de l'Adn (adénine, thymine, cytosine, guanine). Cette approche galiléenne, comme le fait remarqué Husserl dans La crise des sciences, réduit la vie à un vêtement d'idée et l'être à une méthode.

Un corollaire de cette approche galiléenne, quantifiable et interventionniste, est la marchandisation et l'appropriation de la nature. Celle-ci, modifiée dans le cadre d'investissements scientifiques et industriels, entre dans le processus d'exploitation capitaliste qui avait commencé avec les enclosures au XVIe en Angleterre et s'est poursuivie avec la conquête des terres amérindiennes. Une fois les corps vivants brevetés par les industries qui ont découvert et modifié leur structure, ces industries exercent une domination commerciale sur ceux qui utilisent leur semences. Yves Chupeau, qui défend les Ogm contre J. Testard, compare lui-même l'étude des gènes à la cartographie des continents par les explorateurs de la Renaissance. Il considère également que la rétribution des performances intellectuelles (brevets) est ce qui stimule l'innovation. Marie Monique Robin, dans Le monde selon Monsanto, montre comment la firme ruine les agriculteurs avec le monopole qu'elle exerce grâce à ses semences brevetés. Sur le site Infogm, on peut lire que les barons du soja de divers pays d'Amérique du sud font expulser les habitants et détruisent les forêts pour étendre leurs champs de soja (C. Noisette, 2004). Plus globalement, l'analyse génétique permet d’accroître le contrôle et le fichage des populations à titre commercial (assurances) et sécuritaire (polices). L'entreprise Sooam biotech propose aussi de cloner votre animal domestique. Nous voyons donc que, en plus de l'impact sur l'environnement, la technologie génétique modifie nos conceptions de l'économie et de l'éthique.





II. La résistance au progrès.



Se rendre comme maître et possesseur de la nature implique donc de la transformer. Bien sûr, des modifications ont déjà lieu dans la nature, comme le montre la théorie de l'évolution, laquelle a remis en cause la conception stationnaire de la nature héritée d'Aristote. Mais ces modifications diffèrent de celles opérées par l'homme. Elles semblent plus lentes et relativement modestes. Le modèle cybernétique qui est le nôtre aujourd'hui remet en cause cette différence entre les processus et les rythmes naturels et techniques pour un plasticité encore plus grande. En 1953 Crick et Watson modélisent le principe de la séquence d'Adn. Quelques années avant, Norbert Wiener inventait la cybernétique, selon laquelle le vivant comme la machine reposent sur un principe d'échange d'informations. Ainsi on peut supposer qu'une mutation génétique est réductible à un bug informatique, soit une erreur de codage. En maîtrisant cette erreur, on parvient donc à une sorte de rhétorique génétique.

Nous sommes tentés de faire de Leibniz, philosophe du XVIIe, un précurseur de la cybernétique lorsqu'il affirme, "chaque corps organique d'un vivant est une espèce de machine divine ou un automate naturel" (Monadologie). Il s'agit en quelque sorte d'un réductionnisme faisant du corps et de l'esprit une même substance. La pensée cybernétique aujourd'hui à pour conséquence de réduire la distance entre l'homme et la machine, par exemple en employant le mot "performance" à la place du mot comportement. La réduction du vivant au mécanique permet de simuler des molécules de synthèse (design organique) dans un environnement virtuel numérique ou de projeter la réalisation d'ordinateurs moléculaires qui utiliseraient l'Adn pour effectuer des calculs.

Avec la cybernétique, la nature se réduit donc à un ensemble d'informations où toutes les combinaisons sont possibles, sans faire de différence entre celles opérées par l'homme ou sans l'homme. Le principe d'"équivalence en substance" vise à détruire la différence entre l'artificiel et le naturel pour affirmer a priori l'innocuité des Ogm. Pour reprendre les terme de Simondon, la concrétisation technique rejoindrait le concret organique. Cette approche permet de forcer les frontières biologiques en toute indifférence, en transférant des gènes d'une espèce à l'autre, et de négliger le problème de la contamination d'autres espèces par les Ogm. Que ce passerait-il par exemple si les gènes Terminator, qui empêchent la réutilisation des semences lors de la saison suivante pour des raison commerciales, se répandaient aux autres espèces et stérilisait toute la végétation ? Quelles seraient les conséquences environnementales mais aussi sociales d'une monoculture monopolisée par les grandes firmes au dépend de la biodiversité et des petits agriculteurs ?

Les notions de responsabilité et de risque sont inhérentes à la pratique humaine uniquement. Contrairement à ce qui arrive par fatalité, l'action humaine nous rend en principe responsable des progrès ou des dommages qu'elle entraîne. Or des philosophes comme Heidegger ou Ellul se sont inquiétés du fait que la technique soit devenu aujourd'hui un destin plus qu'un choix. Cet état de fait est peut-être lié à un déficit démocratique et à la prédominance des experts. Or il existe pour les Ogm des réseaux citoyens, comme le Crireem, Infogm ou Rézogm, comparables au réseaux antinucléaires de la Criirad ou Sortir du nucléaire, qui pratiquent une veille citoyenne. Le modèle d'Act-up est également intéressant, puisque cette association valorise l'expérience des patients contaminés contre l'avis des médecins et des laboratoires. Il faut considérer que les experts ne peuvent être neutres si l'on tient compte des conflits d'intérêts, du pantouflage, de la corruption, chez les politiques, les savants et les journalistes.

Évidemment, nous ne saurions prévoir toutes les conséquences de ce que nous faisons. Mais nous pouvons justement tenir compte de notre ignorance en nous abstenant d'agir, selon un principe de précaution. Ce principe consiste à tenir compte des risques potentiels, à la différence de la prévention qui part des risques avérés. Le principe de précaution part du principe que si un risque n'est pas prouvé, cela ne constitue pas une preuve qu'il n'y a pas de risque. Le principe de précaution, et même celui de prévention, devraient nous apparaître aujourd'hui indispensables après les catastrophes industrielles atomiques et chimiques mais aussi les scandales du sang contaminé, de la vache folle, de l'amiante, des prothèses PIP ou du médiator. Le traité transatlantique (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) prévu pour 2015 est préoccupant, puisqu'il risque de défaire les réglementations environnementales européennes anti-ogm.

Face au risque, deux mentalités s'affrontent. Il y a d'abord celle de l'entrepreneur aventurier, qui part du principe que l'on est toujours trop méfiant et qui qualifie la prudence et la précaution de réactionnaire et conservatrice. La précaution revient pour eux à un infanticide technique, purement idéologique et non scientifique, comme si la recherche restait absolument neutre et objective. L'homme prudent, qui accuse l'aventurier de se comporter de façon irresponsable, égoïste et infantile, ne recule pas devant une heuristique de la peur. Chez Hans Jonas, par exemple, il s'agit moins d'une peur pour nous-mêmes, à la manière de Hobbes, mais pour nos descendants. On reconnaît donc que le principe de précaution oppose une démarche émotionnelle à la démarche scientifique. Pour autant, il ne s'agit pas d'une position romantique infondée. On pourrait plutôt parler d'un catastrophisme éclairé (JP. Dupuy).

Dans sa hâte, l'entrepreneur semble prêt à ouvrir la boite de Pandore sans mesurer par exemple les risques sanitaires. Selon un article du New England Journal of medicine de 1996, les rats développent des allergies aux gènes insecticides. Nous ignorons les effets à long terme sur les hommes. Au niveau environnemental, on peut s'inquiéter d'une diffusion du gène terminator à d'autres espèces et de leur stérilisation. On peut aussi imaginer que les parasites développent des résistances aux gènes insecticides ou herbicides, rendant le recours aux intrants nécessaire avec pour conséquence la pollution et la destruction des sols cultivables. D'un point de vue sociaux-économiques, nous voyons les risques de faillite dus aux brevetage des semences et au monopole des grandes firmes. De plus, Le Meilleur des monde, de Huxley, paru en 1932, anticipe ce que pourrait être une société totalitaire où la génétique permettrait de concevoir une population produite selon des fonctions et un ordre hiérarchique.

Globalement, le pouvoir appartient aujourd'hui aux aventuriers et la prudence au peuple mal écouté. L'expert voit les appréhensions populaires comme des résistances primitives et obscurantistes au progrès. La savant éclairé part du principe que la masse est dans l'illusion et tremble inutilement dans sa caverne. Cependant, rien ne nous assure que l'expert n'est pas lui-même dans l'erreur et que ce qu'il envisage comme étant la réalité n'est pas autre chose qu'un système abstrait (scientisme). Ainsi, y a-t-il peut-être plusieurs réalités, plusieurs points de vue sur réel, au lieu d'une réalité unique et scientifique qui s'opposerait à la fiction et l'illusion de la foule. Aussi le déficit démocratique que nous observons aujourd'hui, concernant l'aménagement du territoire ou les mesures environnementales, ne serait-il pas seulement une faiblesse du système, que des processus participatifs citoyens pourraient résorber, mais son essence même.

Ce qui n'est pas pris en compte dans la concertation orchestrée par les décideurs c'est qui décide des modalités de la concertation. Dès lors que la société civile prend elle-même l'initiative, elle est rapidement rejetée dans l'illégalité (désobéissance civile, "violence"). Or les actes de sabotage et les manifestations organisée par les habitants sont rendus nécessaires par la surdité et la cécité des autorités. Celles-ci semblent convaincues que chaque poison technologique a son remède technologique, sans voir que le traitement est à la source de la maladie et que la iatrogénèse, la maladie d'origine médicale, s'étend à l'échelle planétaire. Cette fuite en avant technologique est rendue possible par une banalisation par l'usure. Les victoires ponctuelles des opposants au technologies néfastes et inutiles semblent incapables d'enrayer un phénomène global et massif. La culture et la diffusion des Ogm ne cesse de croître en dépit des désaccords.





III. L'organisation sociale



La révolution scientifique introduite au niveau cellulaire s'étend aux niveaux supérieurs des individus, des sociétés et de leurs milieux. Un organisme ne peut être appréhendé uniquement de manière abstraite mais c'est un tout compris dans une autre totalité. Changer la partie du tout revient à modifier la totalité. Ainsi, la modification génétique altère non seulement l'individu mais toute la société ainsi que son environnement. On ne s'étonnera donc pas du lien qui existe entre l'évolution de l'alimentation, l'accroissement des inégalités et la dégradation de l'environnement.

Entre la nature et la société, se trouve l'outil, qui est souvent le point aveugle des analyses. Le laboratoire est le dispositif du gène, avec la seringue, la pipette et l'éprouvette ; tandis que le champ est le dispositif de la graine, avec la bêche, la charrue et la faux. Derrière les outils, il y a des gestes, comme programmer, conduire et pulvériser d'un côté ; ou bien semer, défricher et récolter de l'autre. Les outils et les gestes industriels s'inscrivent dans un système apparemment efficace mais également dispendieux, insoutenable à long terme et destructeur de travail, de savoir-faire, d'autonomie, de convivialité et d'entraide. Ainsi, adopter ou non les Ogm c'est choisir un mode de vie.

Le monde des Ogm est un monde inquiétant en raison également de la naturalisation des phénomènes sociaux liés à la génétique. La pauvreté, la maladie, la désobéissance, les différences culturelles et morales seraient liés à des facteurs génétiques et biologiquement traitable. Cette approche dispense de discuter les organisations sociales. Non seulement l'approche génétique ne remet pas en cause les inégalités sociales mais le monde Ogm est un monde profondément inégalitaire, avec des nantis transhumains médicalement performants et de l'autre côté des hommes ordinaires privés des moyens de se prémunir contre la maladie et la mort dans un monde de plus en plus toxique. Autrement dit, le monde Ogm maintient les inégalités et même les creuse. Au contraire, on peut imaginer un monde sans Ogm convivial et postindustriel, où les sociétés seraient émancipées de la méga-machine qui nous domine. Nous serions alors capables de construire et réparer les outils que nous utilisons. Au lieu du monopole des professions mutilantes (professeurs, médecins, scientifiques) et inutiles (managers, publicitaires, commerciaux), les habitants de ces sociétés autonomes pourraient s'auto-suffire, suivre leur rythme propre, et considérer la qualité de la vie autrement qu'en terme de surpuissance, de surabondance et de surpopulation.

Les partisans du monde génétiquement modifié mettent en avant divers arguments : la sécurité alimentaire, le confort, la santé, l'allongement de l'espérance de vie, le développement des pays développés, en voix de développement ou sous-développés, l'abondance, la disparition des famines, le développement de la recherche et de la connaissance et la création d'emplois d'avenir propres et valorisant socialement. Ceux qui s'opposent à cela, qualifiés généralement de fascistes verts, recherchent-ils dans ce cas la maladie, la mort, la famine, l'injustice, la régression et l'ignorance ? Bien au contraire, les détracteurs des Ogm essaient de montrer que le véritable visage des industrie biotechnologiques est plus inquiétant qu'il ne paraît. Marie Monique Robin, dans son enquête sur Monsanto, montre l'implication de cette firme dans l'armement chimique américain durant la guerre du vietnam, et les différents scandales et mensonges liés à la firme (Pcb, Ddt, Round up, dioxine, hormone de croissance). On peut donc s'opposer aux OGM pour défendre la qualité de la vie, le recul de la marchandisation de la nature et des hommes, l'autonomie des sociétés, avec leur alimentation et leurs techniques, la préservation de la santé et de l'environnement, la préservation de l'emploi et un développement culturel qui ne se réduirait pas à l’ingénierie mais qui serait aussi artistique, poétique, artisanal et philosophique. Le refus du développement, qui n'est pas celui d'un certain progrès, c'est le rejet des promesses intenables, naïves et mensongères, pour une véritable créativité et une richesse plus complexe que l'abondance de biens et d'argent qui nous sont promis par les biotechnologies et la technoscience en général.

Au modèle de l'usine planétaire, nous pouvons opposer celui des communaux, avec leur autonomie, leur auto-construction, leur rejet de l'appropriation privée (enclosure). Cette décentralisation impliquerait aussi une réforme des démocraties en les rendant directes. Les villages et les quartiers pourraient décider sans se soumettre au monopole et au gigantisme de quelques firmes. Ce municipalisme permettrait d'assurer la diversité biologique et sociale dans un projet égalitaire. Les circuits courts permettraient de réduire la pollution liée au transport. La fin de l'exploitation de la nature serait aussi la fin de celle de l'homme en réduisant les spécialisation notamment entre manuels et intellectuels. Au lieu d'une société génétiquement transformée, soumise à des normes et des contrôles centralisés, ou encore d'une société rétrograde arc-boutée sur la terre des ancêtres, la société que nous désirons est une société où la technique et la science n'effaceraient pas la nudité du visage d'autrui, pour parler comme Levinas.





Conclusion



Nous avons montré la logique galiléenne dans laquelle s'inscrivent les OGM et le génie génétique. Puis nous avons vu que les modifications apportées posent des questions de responsabilité, de choix et de démocratie. Enfin, nous avons clairement montré en quoi la question des OGM correspond à un choix de société. Or ce choix ne saurait se réduire à une alternative entre archaïsme et progrès. Le modèle industriel, qui tend à s'étendre de manière illimitée, de la matière inerte, au vivant jusqu'à l'intelligence, doit être aujourd'hui réévalué honnêtement et lucidement. Nous pouvons apprécier les bénéfices partiels de la technologie, tout en regrettant la destruction de certaines techniques traditionnelles. Ces techniques d'habitation, d'agriculture, de soin et d'enseignement que les hommes ont mis des siècles à élaborer devraient-elles disparaître subitement pour des technologies inexpérimentées ? Poser cette question ce n'est pas s'opposer au progrès ou réclamer un retour vers le passé, mais chercher à faire évoluer l'idée même de progrès, en réfléchissant à ce qui doit être préservé ou non, ce qui doit être tenté ou non. Or cela n'est possible qu'au sein d'une démocratie qui ne se réduit pas aux profits à court terme ou aux spéculations infantiles des lobby industriels et des dirigeants qu'ils financent. 

Raphaël Edelman, Rencontres de Sophie, Nantes 2015

samedi 28 février 2015

COURS DE PHILOSOPHIE


INTRODUCTION


A. Pourquoi faire de la philosophie ?


1) Philosophie = Recherche vérité & non illusion sophiste (Platon 428-348, Aristote 384-322)


2) Design = Recherche beauté & utilité ère industrielle (William Morris 1834-1896, Walter Gropius 1883-1969)


3) Responsabilité = Anticipation conséquences infrastructures techniques (ex. Automobile) & superstructures juridiques (ex. Code de la route)


4) Humanisation = Sujet avant l'objet & comme non objet → Critique & émancipation


5) Généralité = interdisciplinarité, transversalité & macro-contexte


6) Sémantique = Définition polysémie concepts (ex. déplacement = urgence ou promenade & temps mesuré ou vécu) & raisons d'agir & non uniquement moyens d'agir (ex. pour travailler ou visiter) 



B. Comment faire de la philosophie ?


1) Carte mentale = Définitions, proxémie, synonymes, antonymes, thèses, arguments, exemples & références (qui, quoi, où, quand)


2) Rédaction =


a) Introduction = Exemple illustrant enjeu & série de questions liées (problématique)


b) Progression = 

(<Thèse & antithèse> ou <surface & profondeur> ou <analyse & critique> ou <domaine 1 & domaine 2>) & (arguments, exemples & références)


c) Conclusion = Récapitulation et solution


3) Connecteurs logiques = 


- Conjonction = Et, de plus, en outre, par ailleurs, d'abord, puis, ensuite, enfin, etc.


- Disjonction = Ou, mais, or, cependant, en revanche, néanmoins, toutefois, etc.


- Cause = Si, car, parce que, puisque, en raison de, à cause de, etc.


- Conséquence = Alors, donc, ainsi, par conséquent, etc. 


4) Plan = "Philosophie du langage et de la connaissance", "philosophie de l'art et de la technique" & "philosophie morale et politique"



PHILOSOPHIE DU LANGAGE & DE LA CONNAISSANCE


A. Signes et langage


1) Signe ou signifiant = Expression, manifestation sensible, physique, matérielle, perceptible d'une idée ou d'une chose


a) Signe-index = Effet représentant une cause (ex. empreinte, symptôme)


b) Signe-icône = Motivé, mimétique, ressemblant à ce qu'il représente (ex. carte routière, portrait)


c) Signe-symbole = Arbitraire, conventionnel, non ressemblant représenté et associé par code (ex. mot, drapeau) (Charles Sanders Peirce 1839-1914)


2) Signification ou signifié = Sens, idée, concept mentalement intelligible, mode de présentation d'un objet (ex. Sarah → mère de Gabriel ou  fille de Maria)


a) Signification dénotative = Sens objectif et absolu (ex. Sarah a 40 ans), fonction (ex. chaise → s'asseoir)


b) Signification connotative = Sens subjectif et relatif (ex. Sarah est jeune), symbolique (ex chaise basique ou luxueuse)


3) Référent = Objet(s) du monde exemplifiant un énoncé (ex. la personne désignée par "Sarah"). Un référent vide correspond à un être fictif ou symbolique (ex. "Astérix")


4) Langage = Faculté humaine génération infinité énoncés pour soi & autrui (Noam Chomsky 1928)


a) Double articulation (Emile Benveniste 1902-1976) = 


- Phonème = Unité sonore (ex. p-l-u-i)


- Morphème = Unité sémantique (ex. Para-pluie)


b) Langue & parole (Ferdinand de Saussure 1857-1913) =


- Langue = Disposition & instrument communication d'une communauté


- Parole = Performance linguistique individuelle contextualisée


5) Analyse pragmatique ou performative (John L. Austin 1911-1960) = Etude actes de parole 


a) Acte locutoire = Combiner des mots


b) Acte illocutoire = Action effectuée (promettre, demander, menacer, etc.)


c) Acte perlocutoire = Réaction obtenue (réponse, fuite, colère, rire)


6) Médiologie (Régis Debray 1940) = Etude des Média → Moyens & supports de communication (ex. corps, page, écran)



B. Mot, Idée & Chose


1) Dualité mot ou idée = Indépendance expression & pensée (ex. mensonge, omission, homonymie <ex. "orange" → fruit ou couleur>, synonymie <ex. orange → "orange" ou "naranja">)


2) Unité mot & idée = Dépendance expression & pensée (ex. monologue intérieur, éducation, propagande, etc.)


3) Dualité mot ou chose = Généralité statique mot ou particularité dynamique chose (ex. "coucher de soleil" pour cas & moments couchers différents)


4) Unité mot & chose = Vocabulaire & repérage (ex. lobes frontal, pariétal, temporal, occipital)


C. Science


1) Discours scientifique = Expression "vraie, objective & universelle" (ex. 2+2=4 ou soleil à 150 millions km)


2) Discours faux = Erroné, mensonger ou fictif, comparé au discours vrai (ex. 2+2=3 ou soleil à 150 km)


3) Croyance = Discours indécidable et non justifié (ex. "Sarah doit être chez elle")


4) Idéologie = Idées propres à un groupe selon ses intérêts (ex. Homo homini lupus → Concurrence libérale)


5) Mythe = Représentation idéalisée et illusoire (ex. Tour de Babel)


6) Tolérance = Acceptation croyances et actions différentes (ex. liberté presse)


7) Science physique = Etude calculée et expérimentale des corps naturels (ex. Math, astronomie, physique, chimie biologie) 


8) Science humaine = Etude de l'homme et de la société (ex. Sociologie, histoire, géographie, anthropologie, économie, linguistique)



D. Vérité


1) Cohérence = Validité logique, syntaxique, non-contradiction dans même espace-temps & condition nécessaire du sens (ex. La soeur de Sarah est une femme)


2) Correspondance = Objet-propriété →  "Sujet-prédicat" (ex. Sarah mange → "Sarah mange") → Vérité empirique d'observation


3) Méthode expérimentale = Observation, hypothèse & vérification


a) Observation directe ou non = Perception ou interprétation instruments ou témoignages (ex. perturbation orbite Uranus) 


b) Hypothèse = Imagination cause, abduction (explication probable), sérendipité (découverte fortuite) (ex. influence Neptune Urbain Le Verrier 1811-1877)


c) Vérification = Confirmation ou réfutation hypothèse par observation (ex. Johann Gottfried Galle 1812-1910)


4) Progrès scientifique = Remplacement d'une hypothèse obsolète (ex. Isaac Newton 1643-1727 → Albert Einstein 1879-1955)


5) Progrès technique = Remplacement dispositif imprécis & inefficace → Concrétisation & intégration éléments & environnement (Gilbert Simondon 1924-1989)



E. Perception


1) Perception = Connaissance par observation directe du monde sensible (ex. "je vois Sarah")


2) Organe sensoriel = Vue, ouïe, odorat, goût & toucher 


3) Proprioception = Mouvement (kinesthesie), position corporelle (statesthesie) & faim, soif, chaleur, nausée, douleur (intéroception) → Sensation de son propre corps


4) Expérience sensible = vécu subjectif, personnel (1ère personne), singulier, indexical (ici et maintenant) (ex. "j'entends mal")  


5) Cognition = "Jugement", processus mental de traitement de l'information, d'identification, de conception et de décision (ex. "Sarah est tombée") 


6) Paradoxes de la perception =  "On ne se baigne jamais deux fois <sensation> dans le même fleuve <conception>" (Héraclite 544-480) & la même cire <conception> demeure après avoir fondu <sensation> (René Descartes 1596-1650)


7) Illusion = Erreur de jugement sur la réalité (ex. Terre immobile)


8) Scepticisme = Doute sur la connaissance, suspension du jugement (Samuel est-il vraiment coiffeur ? Samuel est-il réel ? Le monde existe-t-il ?)


9) Qualia = Qualité non existante dans objets (couleur, chaleur, poids, son, odeur) & non structure atomique


10) Harmonie subjectif & objectif = rapport réglé entre local & global, langue ordinaire & scientifique, phénoménologie & ontologie (ex. levé soleil & rotation terre)



F. Matière & Forme


1) Matériaux = Elements constitutifs d'un tout (ex. atomes, molécules, cellules, eau, terre, bois <matéria>)


2) Matérialisme philosophique = Matière comme réalité unique, auto-organisée & connaissable, physicalisme (Démocrite 460-370) & non "recherche biens matériels" (matérialisme ordinaire)


3) Matérialisme Historique = Structure & processus économique → évolution société (Karl Marx 1818-1883)


4) Forme matérielle = morphologie particulière & passagère propre à chaque être (ex. ce nuage boursouflé)


5) Forme immatérielle = Structure idéale intelligible invariante, type, modèle, concept, catégorie, classe, ensemble, universel, espèce, schème, commun aux occurrences ou exemplaires (ex. classe des cumulus, recette, patron, partition, moule <forma>)


6) Idéalisme philosophique = Idées ou formes comme réalité ultime (Platon 427-347) 9) & non "irréalisme, utopie" (Idéalisme ordinaire) 


7) Immatérialisme = Monde non existe hors esprit (George Berkeley 1685-1753)


8) Idéalisme Historique = Esprit universel & grands esprits → Evolution société (Georg Wilhelm Hegel 1770-1831)



G. Temps & Espace


1) Temps & espace = Relation succession (ex. avant & après) & simultanéité (ex. avant & arrière) entre objets & événements


2) Etalon de mesure = Repère → Calcul durée et distance (ex. astre, horloge, corps, mètre <metron, mesure>) → Valeur marchande (prix m2 & heure travail)


3) Modèle géométrique = <"instant" & "lieu"→ point> & <"durée" & "distance"→ segment>


4) Temps psychologique = Durée vécue halo temporel rétension-protension (Edmund Husserl 1859-1938), schème sensori-moteur (Henri Bergson 1859-1941) (ex. Perception de la mélodie)


5) Unité action = Longueur segment "maintenant" (ex. heure de cours, journée travail, durée de la guerre) 


7) Champ d'action = Capacité d'accès "ici" (à l'école, à Nantes, en France)


8) Temps objectif ou subjectif = Temps mesuré (3e pers.) ou vécu (1ère pers.) selon action & état (ex. ennui, fatigue, sommeil)


9) Espace objectif ou subjectif = Espace mesuré ou vécu selon notre disposition ou outillage (fauteuil roulant, voiture)


10) Hétérotopie & hétérochronie (Michel Foucault 1926-1984) = Espace & temps spécifiques à des activités sociales (ex. cimetière, bibliothèque, discothèque)


11) Accélération & compression = Développement technologique → Perception sociale moderne de l'espace-temps (Marshall Mac Luhan 1911-1980, Paul Virilio 1932-2018, Marc Augé 1935, Harmut Rosa 1965, Laurent Henninger 1959)







PHILOSOPHIE DE L'ART ET DE LA TECHNIQUE



A. Nature


1) Naturel = Non travaillé par l'Homme (Aristote 384-322) (ex. bloc de pierre brute)


2) Travail = Activité volontaire (ex. jardiner, cuisiner)


3) Effet concomitant = Non voulu (ex. accident, pollution, fait institutionnel indésirable <peine, sanction, exclusion> )


4) Loi physique = Explication générale phénomènes naturels commune à tous les objets (ex. loi universelle de la gravitation)


5) Degré d'artificialisation = Objet plus ou moins travaillé (ex. chaise en bois ou plastique)


6) Relativisme culturel = Mode de présentation de la réalité propre à un groupe (ex. Habillage nudité par le regard des amants, médecins ou peintres ; Ernst Gombrich 1909-2001, Nelson Goodman 1906-1998)


7) Mythe de la pureté naturelle = Innocence infantile, bon sauvage, état de nature paradisiaque & société corruptrice (Jean-Jacques Rousseau 1812-1878)


8) Mythe de la brutalité naturelle = Etat de nature infernal et société correctrice (Thomas Hobbes 1588-1679)


9) Etat de nature = Expérience de pensée probablement inspirée par la Genèse avant (Rousseau) ou après (Hobbes) la Chute


10) Nature logique = Essence, propriété nécessaire (ex. vieillissement ) & non accidentelle (ex. maquillage)


11) Géocentrisme = Terre immobile, espace hiérarchisé, temps circulaire, conservation passé (Aristote 384-322, Ptolémée 100-168)


12) Héliocentrisme = Cosmologie galiléenne & terre mobile, espace infini, temps linéaire, progression futur (Nicolas Copernic 1473-1543)


13) Technoscience = "Se rendre comme maître et possesseur nature" (René Descartes 1596-1650) & "On ne commande à la nature qu'en lui obéissant" (Francis Bacon 1561-1626)


14) Révolution anthropologique XVI-XVIIIe siècle = Science galiléenne, technique (Boussole, cartographie, imprimerie, armes à feu, machine vapeur), économique (capitalisme), politico-religieuse (république laïque)


15) Ecologie ou écologisme = Science de l'environnement (Ernst Haeckel 1866) ou critique du monde industriel


a) Précurseurs conservateurs ou progressistes au XIXe siècle = Romantisme réactionnaire (schlegel 1772-1829, Novalis 1772-1801) ou mouvement ouvrier (Ned Ludd 1782, Marx 1818-1883)


b) Ecologie contemporaine = Mouvement contestataires anti-productiviste années soixante-dix (René Dumont 1904-2001)


c) Ecologie actuelle = Capitalisme vert (ex. développement durable) ou altermondialisme décroissant (ex. Mouvement zadiste)



B. Technique


1) Mythe Prométhée = Prométhée chargé distribuer attributs animaux, Epiméthée les répartit mal & animaux nus, Prométhée donne feu → création autonome homme (Platon, Protagoras)


2) Théorie néoténie = croissance cérébrale → développement primate forme juvénile → socialisation & apprentissage → prothèses techniques → évolution perception & action (Louis Bolk 1866-1930)


3) Relation Homme-Instrument-Monde (Don Idhe 1934) = 

(H - I) → M = Incarnation (ex. lunettes) ou

H → (I-M) = Interprétation (ex. texte) ou

H → (IM) = Arrière-plan (ex. cuisine)

H → I - (M) = Altérité (ex. ordinateur "intelligent")



C. Art 


1) Théorie imitation Platon (428-348) = Art poète et sophiste → copie, fiction, leurre, illusion, déformation réalité, image non didactique, ornementation superflue & non fonction nécessaire (ex. lit artisan) (République, L10)


2) Théorie imitation Aristote (384-322) = Virtualité épistémique, hédonisme & cathartis (ex. belle représentation chose laide)


3) Théorie expression Hegel (1770-1831)= Expression esprit dans nature, homo sapiens & non faber (Esthétique 1)


4) Révélation artistique = Impressions vraies & non routine  (Marcel Proust 1871-1922), contemplation désintéressée & non perception-action confuse (Henri Bergson 1859-1941), Sensibilité esthétique cultivée (Oscar Wilde 1854-1900)



D. Oeuvre & Beauté


1) Théorie beauté objective = Plaisir esthétique universel face à la composition exceptionnelle d'un objet & assemblage exceptionnel matériaux (ex. mots, couleurs, sons) (Emmanuel Kant 1724-1804 ) 


2) Théorie goût subjectif = Plaisir esthétique relatif à l'habitus (Pierre Bourdieu 1930-2002) ou agrément (ex. parfumerie, gastronomie ; E. Kant)


3) Dualité utilité & beauté = Objet utile, moyen & instrument transparent, trivial, consommable (ex. bougie non décorative) ou oeuvre belle, symbolique, noble, patrimoniale (Hannah Arendt 1906-1975)


4) Unité beauté & utilité = Compatibilité modes de présentation beau et utile (ex. lunettes portées ou vues) ou beauté adhérente, rationnelle, technique expression force et efficacité in situ (ex. voilure navire ; Gilbert Simondon 1924-1989)


5) Sublime = Représentation incommensurable en force ou grandeur (espace infini nuit étoilée, destruction globale champignon atomique)


6) Histoire oeuvre = Activations institutionnelles (Walter Benjamin 1892-1940)


a) Icône = Objet culte in situ autographique (contrefaçon possible)


b) Oeuvre = Objet exposition contexte scénographie (Musée public XVIIIe siècle)


c) Produit = Objet allographique (reproductible ; ex. photo, cinéma), miniaturisé, abondant, démocratisé



E. Travail


1) Connotation péjorative = Tripalium, douleur, effort, aliénation, labeur, valeur extrinsèque (ex. esclavage, revenu, job, emploi)


2) Connotation méliorative = Activité, épanouissement moral & intellectuel, progrès individuel & collectif


3) Organisation travail =


a) Division sociale par métiers = Développement personnel & collectif ou dépendance & inégalités (Adam Smith 1723-1790, Karl Marx 1818-1883)


b) Division technique par tâche = Efficacité & productivité ou management, routine & déqualification (Frederick Winslow Taylor 1856-1915, Henry Ford, 1863-1947)


4) Organisation loisir = + production → surproduction & revendications sociales → + salaire, + temps libre, - prix → société équipement, animation & consommation (Edward Louis Bernays 1891-1995)


5) Société contrôle = Mécanismes maîtrises corps & pensées (Lewis Mumford 1895-1990, Michel Foucault 1926-1984, Gorgio Agamben 1942)




PHILOSOPHIE MORALE & POLITIQUE


A. Ethique & morale


1) Principes moraux = Devoirs & interdits fondamentaux inconditionnels (ex. non meurtre, non vol, non mensonge)


2) Ethique appliquée = Evaluation, choix, délibération, dilemme (ex. ruse, euthanasie, quarantaine etc.), concertation → action concrète & conséquences (ex. science, médecine, politique, travail, famille, défense, environnement)


3) Ethique des affaires = Profit, corruption, hypocrisie, inégalité, discrimination, autoritarisme, indiscrétion, insécurité, manipulation, dissimulation, exploitation, pollution, plagiat, espionnage, harcèlement, licenciement, fraude etc.


4) Théories morales = "Quel caractère dois-je avoir ?" (éthique des vertus, Aristote 384-322) ; "Que dois-je faire ?" (déontologie, Emmanuel Kant 1784-1804) ; "Quel est le meilleur état du monde ?" (conséquentialisme, Jeremy Bentham 1748-1832)


4) Références religieuses = Non meurtre, non vol, non mensonge (Torah -333), Veut non P → fait non P (Evangiles), Humilité & charité (Coran 655)


5) Références laïques = Vertus tempérance, courage, justice, prudence (Aristote 384-322), "hommes naissent & demeurent libres & égaux en droit" & "non nuire autrui → liberté" (Déclaration droit homme et citoyen 1789)

6) Déontologie professionnelle = Devoirs et responsabilités professionnels (ex. justice, utilité & discrétion Hippocrate 460-377)


7) Déontologie design = Sincérité valeur produit & bienfaisance société & environnement (Jacques Vienot 1893-1959, Dieter Rams 1932)


8) Principes bioéthiques =


a) Respect consentement (ex. Sincérité → libre choix)


b) Justice égalitaire ou équitable (ex. droits fondamentaux ou action positive & impôt progressif) 


c) Bienfaisance, balance risque-bénéfice (ex. potion ou poison)

B. Liberté


1) Responsabilité = Connaissance conséquence action & action soutenue délibérément (ex. vote, collaboration) → non déterminisme strict


2) Déterminisme = Réaction cause extérieure naturelle ou culturelle (Baruch Spinoza 1632-1677, Pierre-Simon de Laplace 1749-1827)


3) Fatalisme = "Changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde" (René Descartes 1596-1650) → tempérance & action sur soi


4) Autonomie = Décider ou accepter & appliquer règle technique ou morale, "obéissance à la loi qu'on s'est prescrite" (Jean Jacques Rousseau 1712-1778, Emmanuel Kant 1724-1804)


5) Volontarisme = "Se rendre comme maître et possesseur de la nature" (René Descartes 1596-1650), interpréter & transformer le monde (Karl Marx 1818-1883)


6) Habileté = Obstacle → outil (ex. oiseau, navigateur), obéit → commande nature (Francis Bacon 1561-1626)



C. Economie


1) Economie = Management domestique (ancien) & Production, distribution & échanges (ex. troc, vente)


2) Echelle des échanges = Familiale (genre), nationale (classe), mondiale (origine)


3) Anomie = Meurtre, vol & mensonge


4) Economie du calcul = Troc & vente 


5) Monnaie = Equivalent général fluide et stockable ou sans valeur usage, indéfiniment accumulable & souvent fin & non moyen (Karl Marx 1818-1883)


6) Economie du don = dévouement → reconnaissance & dette infinie (ex. famille, tribu, amis, travail) (Marcel Mauss 1872-1950)


7) Luxe & sacrifice = Distinction & conjuration (Thorstein Veblen 1857-1929, René Girard 1923-2015)



D. Politique 


1) Politique = Art de diriger & légiférer


2) Systèmes politiques = Monarchie (un), Oligarchie (quelques uns), Démocratie (tous) (Aristote 384-322)


3) Périodes économies politiques = Communisme primitif, esclavage antique, servage féodal, salariat moderne (Karl Marx 1818-1883)


4) Théories politiques =


a) Libéralisme = Défense droits individuels & économie marché, non absolutisme, non étatisme, non collectivisme (John Locke 1632-1704, Adam Smith 1723-1790)


b) Capitalisme = Moyens production privés & recherche profit (Karl Marx 1818-1883, Max Weber 1864-1920)


c) Libertarianisme = Propriété privée & non état & néo-libéralisme (Friedrich Hayek 1899-1992, Robert Nozick 1938-2002)


d) Socialisme = Intérêt général, redistribution richesses ou collectivisation moyens production (Pierre-Joseph Proudhon 1809-1865, Karl Marx 1818-1883, Eduard Bernstein 1850-1932)


e) Communautarianisme = Devoir communauté & non droits individuels & conservatisme (Alasdair MacIntyre 1929, Michael Walzer 1935, Michael Sandel 1953)

 

R. Edelman Nantes 2022 



Version ancienne 2020............................

INTRODUCTION

Séance 1. Notions : Philosophie, critique, sémantique, sciences humaines et sociales, design, méthode, problématique, thèse, antithèse, arguments, exemples et références.


ÉPISTÉMOLOGIE (la connaissance)

Séance 2 : Langage, signes, signifiant, signifié, signification, comportement, expression, visage, dénotation, connotation,  référence, symboles, icône, indice, signal, communication, information, média, code.

Séance 3 : Mensonge, ineffabilité, incompréhension, homonymie, synonymie, rhétorique, éducation, propagande.

Séance 4 : Science, idéologie, vérité, objectivité, opinion, fiction, mythe, croyance, réalité, séduction. 

Séance 5 : Cohérence, correspondance, méthode, expérimentation, vérification, hypothèse, observation.


ESTHÉTIQUE (l’apparence) I

Séance 6 : Perception, sensation, idée, apparence, réalité, illusion, expérience, chose, objectivité, subjectivité.

Séance 7 : Matière, mouvement, transformation, changement, couleur, lumière, cause.

Séance 8 : Forme, Idée, morphologie, moule, plan, figure, modèle, structure, système, enveloppe, peau, ligne, affordance.

Séance 9 : espace, temps, mesure, étalon, durée, étendue, champ, vitesse, accélération,  scénographie, géographie, topologie, étendue, arrière-fond, frontière, passage, seuil, utopie, hétérotopie, territoire, horizon, perspective, environnement, mobilité.

------- Évaluation 1 : Devoir maison à partir d’une citation au choix ---------


ESTHÉTIQUE (l’apparence) II

Séance 10 : Nature, écologie, déchet, recyclage, progrès, modernité, contemporanéité, crise, catastrophe, transformation.

Séance 11 : Technique, artisanat, industrie, manufacture, atelier, outil, machine, instrument, fabrique, usine, laboratoire, invention, innovation.

Séance 12 : Art, culture, patrimoine, image, style, ornement, décoration, mode, gadget, parure, spectacle, loisir, fête, luxe.

Séance 13 : Oeuvre, produit, création, utilité, agrément, beauté.

Séance 14 : Travail, loisir, émancipation, aliénation, organisation, collaboration, contribution, participation, emploi, activité, contrôle, projet, management.


ÉTHIQUE (le devoir)

Séance 15 : Pratique, éthique, morale, déontologie, action, geste, comportement, règle, principe, justice, égalité, équité, bienfaisance, respect.

Séance 16 : Liberté, autonomie, déterminisme, comportement, fatalisme, volontarisme.

Séance 17 : Société, économie, échange, calcul, don, lien, conflit, gratuité, fétiche, marchandise, argent. 

Séance 18 : Politique, Etat, institution, légalité, individualisme, communauté, libéralisme, socialisme, capitalisme, conflit, réforme, révolution. 

--------- Evaluation 2 : Devoir maison à partir d’une citation au choix ----------




INTRODUCTION


Séance 1 : Philosophie, critique, sémantique, sciences humaines et sociales, design, méthode, problématique, thèse, antithèse, arguments, exemples et références.


Pourquoi faire de la philosophie dans le design ?

1) Tout comme le dispositif juridique (texte de loi), le dispositif technique structure la vie quotidienne (A. Feenberg, Re-penser la technique, 2004). Ils vont d’ailleurs ensemble, comme l’automobile et la code de la route. Il importe donc de bien réfléchir en amont, d’un point de vue philosophique, aux dispositifs infrastructurels (matériels et techniques) et superstructurels (juridiques, médiatiques) que l’on crée. 

2) La philosophie invite à ne pas s’intéresser qu’à l’objet (à la différence de l’art décoratif ou appliqué) ni non plus à l’humain comme un objet, comme c’est parfois le cas dans les sciences humaines et sociales. La philosophie est essentiellement critique. La compréhension de l’homme vise son émancipation.

3) Une approche générale ne doit pas être abstraite et simplificatrice mais globale et interdisciplinaire. La spécificité de l’approche philosophique c’est la transversalité par rapport aux différentes spécialités. L’approche philosophique vise à comprendre le contexte du projet de design, son sens et son orientation en articulant les perspectives épistémologique, esthétique et éthique, tout comme le designer adopte des perspectives techniques, artistiques, économiques et sociales. Cette approche générale est d’autant plus nécessaire que l’évolution technologique a entraîné une plus grande spécialisation et fragmentation du travail.

4) Le designer ne peut se satisfaire de la question technique “comment” (quelle manière) mais doit considérer aussi le “pourquoi” (quelle cause et quel but). Il faut donc une enquête philosophique et sémantique (appuyée sur des données positives). Elle sera le moyen de déterminer la meilleure solution technique. Cela correspond à une coopération théorique et pratique entre le philosophe et le designer. Par exemple, sur un projet de mobilité, la question n’est pas simplement de déterminer comment se déplacer rapidement mais aussi ce qu’est le déplacement et pourquoi nous nous déplaçons. On distinguera par exemple le déplacement urgent et la promenade, ou encore le temps de déplacement et sa durée (cf. Bergson, L’évolution créatrice, 1907). Ce qui aboutira à des projets variés et réalistes. Ainsi selon que l’on travaille pour la défense, la santé, l’industrie ou l’urbanisme, on peut réfléchir à ce que signifient la guerre, la maladie, le travail ou l’habitat.




Comment faire de la philosophie ? Quelle méthode employer ?

1) Au brouillon, utilisez une carte mentale pour noter les définitions des termes importants, leurs synonymes et antonymes en les spatialisant logiquement. Développez et classez le vocabulaire en utilisant votre mémoire et différents documents. Cherchez également des exemples dans les différents arts (visuel, design, urbanisme, littérature, technologie) et les différentes sciences, en particulier humaines et sociales. Ne négligez pas les enquêtes, discussions et entretiens. Votre carte mentale peut déjà faire apparaître une problématique (thèse et antithèse) et différents arguments

2) Pour la rédaction, on peut introduire le sujet avec un exemple qui permettra d’illustrer son enjeu (par ex. fermeture du Bauhaus en 1933 par les nazis ou omniprésence de l’industrie et du design dans le quotidien). Puis une série de questions peut montrer les étapes de l’analyse de la problématique (le design améliore-t-il la vie ? la rend-il plus difficile ? qu’est-ce qu’un bon design ?). Ici les thèses sont présentées sous forme interrogative.

Pour le développement, le plus simple est de rédiger deux parties, opposant deux thèses, c’est-à-dire deux idées générales, composées de divers arguments, c’est-à-dire des justifications. On commence par la thèse que l’on voudra critiquer et qui correspond à une fausse évidence ou à une analyse simplificatrice qu’il faudra nuancer ensuite. La dialectique (opposition de deux thèses) doit prendre une forme progressive. On peut aussi passer d’un domaine d’arguments à un autre (design produit, graphique, espace), à condition de bien problématiser (c’est-à-dire peser le pour et le contre, la thèse et l’antithèse) de chaque partie. 

La conclusion récapitule les arguments principaux et présente votre propre réponse qui doit être à la fois audacieuse et partielle (modeste).

3) Les connecteurs logiques sont à utiliser avec parcimonie pour guider votre lecteur : conjonction (et, de plus, en outre, par ailleurs, d’abord, ensuite, enfin, puis), disjonction (ou, mais, or, cependant, en revanche, néanmoins, du reste, toutefois), cause (si, car, parce que, puisque, en raison de, à cause de), conséquence (alors, donc, ainsi, par conséquent, de sorte que). 

4) Après ces questions de méthode, nous présentons le plan des leçons qui auront pour but de présenter les grands problèmes philosophiques de façon organisée en fournissant des pistes de lectures. Nous traiterons d’abord d’épistémologie, soit ce qui concerne le rapport entre l’être et le connaître (langage, idée, vérité, mensonge, méthode, etc.) ; puis nous parlerons d’esthétique, soit le rapport entre l’être et l’apparaître (perception, matière, forme, espace, temps, objets naturels ou artificiels) ; enfin nous aborderons la question de l’éthique, à propos du lien entre être et devoir être (morale, justice, liberté, société).





EPISTÉMOLOGIE


Séance 2 : Langage, signes, signifiant, signifié, signification, comportement, expression, visage, dénotation, connotation,  référence, symboles, icône, indice, signal, communication, information, média, code.


Le langage est au coeur de la philosophie de la connaissance (épistémologie) comme moyen propre à l’homme de développer ses connaissances. Le signe linguistique se distingue d’autres sortes de signes (c’est-à-dire un phénomène utilisé à la place d’un autre phénomène), comme les symboles mathématiques ou musicaux, les drapeaux, les codes vestimentaires, les comportements, les expressions du visage et du corps, les rites sociaux etc.

Le signifiant est l’expression matérielle et physique à travers un média (corps, page, écran, etc.) du signifié qui est dans notre esprit (pensée, idée, concept) (Cf. Saussure,  Cours de linguistique générale, 1916). Comprendre un signe, c’est comprendre ce qu’il veut dire, c-à-d son signifié. Le signifié est d’abord dénotatif, c’est-à-dire objectif (Napoléon) mais également connotatif, c-à-d subjectif (vainqueur d’Austerlitz ou vaincu de Waterloo) (cf. Frege, Sens et dénotation, 1892). Pour un objet (par ex. automobile), sa dénotation est sa fonction (par ex. véhicule) et sa connotation est son style (par ex. luxueux ou frugal) (cf. U. Eco, La structure absente, 1972). 

On peut distinguer trois types de signifiants en fonction de leur rapport à leur référence (chose signifiée, désignée ou dénotée, généralement telle qu’elle nous apparaît). L’indice est l’effet de la chose (par ex. une empreinte) ; l’icône est une image qui ressemble à la chose (par ex. une carte, un tableau), le symbole est une convention sans ressemblance (par ex. un drapeau, un mot). 

La communication humaine (c-à-d l’échange d’informations) par signes linguistiques suppose une double articulation (Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 1966) en phonèmes (par ex. p-l-u-i) et morphème (par ex. para-pluie), c’est-à-dire unité de son (le graphème est l’unité graphique) et unité de sens. Vient ensuite la grammaire pour les phrases. Ce système permet de construire une infinité de messages et de langues. La communication inconsciente ou réflexe, comme les signaux animaux (danse des abeilles, traces odorantes), fonctionne au contraire par blocs, comme les panneaux de signalisation. 

On peut désigner par langage la faculté humaine de communiquer en articulant des signes linguistiques en général. C’est l’oeuvre principale de la rationalité humaine (logos). Les langues sont les différentes formes du langage selon les groupes (nation, dialecte, profession, jargon, classe). Les langues sont traductibles en tant qu’elles appartiennent au langage. La parole est le style personnel, la forme singulière de l’expression (Cf. Saussure,  Cours de linguistique générale, 1916). 

Le langage n’est pas simplement un moyen d’information (sémantique) mais aussi un moyen d’action (pragmatique) sur autrui. On peut alors analyser l’intention du locuteur et la réaction de l’interlocuteur (Austin, Quand dire c’est faire, 1962). Plus généralement on peut analyser la communication comme un rapport de domination (Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, 2001).





Séance 3 : Mensonge, ineffabilité, incompréhension, homonymie, synonymie, rhétorique, éducation, propagande.


Nous faisons la différence entre idée et langage, entre penser (signifié) et exprimer (signifiant) ce que l’on pense ou même mentir. Parfois on ne trouve pas le mot pour dire ce que l’on pense (ineffabilité) ou alors on ne comprend pas ou mal ce qui est dit (incompréhension et mécompréhension). On remarque aussi qu’un mot a plusieurs sens (homonymie) ou que plusieurs mots ont le même sens (synonymie). C’est le cas de la traduction ou des figures de style (rhétorique) ou seule la connotation change (La métaphore, la métonymie, la litote et l’ironie sont des figures de substitution. L'ellipse, la périphrase, la répétition, la gradation, l’inversion sont des figures d’organisation).

Il y a un rapport étroit entre idées (signifié) et langage (signifiant). Dans certains cas, penser c’est monologuer intérieurement. En outre, on peut influencer la pensée avec le langage avec sa dimension sémantique (savoir) et pragmatique (pouvoir). On parle alors d’éducation (toutefois le terme enseignement connote moins le dressage) et de propagande (le terme n’est pas nécessairement péjoratif).

Le langage permet de mieux connaître les choses matérielles signifiées (dénotations, références). Plus nous connaissons de mots, plus nous connaissons de choses et tout apprentissage suppose le langage. De plus, la poésie peut nous donner une compréhension plus profonde de la réalité. Toutefois, le langage ne remplace pas l’expérience. La généralité des noms peut voiler la singularité des choses. Nous ne voyons plus que les étiquettes collées sur elles (Bergson, Le rire, 1900). De plus, les beaux discours ne remplacent pas les bonnes actions.





Séance 4 : Science, idéologie, vérité, objectivité, opinion, fiction, mythe, croyance, réalité, séduction. 


Le discours de la science a pour but de connaître la vérité et vise l’objectivité (ce qui n’est pas subjectif et variable selon les points de vue). Les sciences naturelles (mathématiques, astronomie, physique, biologie, médecine) sont jugées plus objectives que les sciences sociales (histoire, géographie, économie, sociologie, psychologie, anthropologie, ethnologie, linguistique, sémiologie, etc.), du fait de l’imprévisibilité et de la liberté humaine. La science dénonce le mensonge et l’erreur comme faux. Elle dénonce les mythes et les fictions qui tentent de se faire passer pour la vérité. Nous avons tendance à croire plus aisément les discours qui nous séduisent, en fonction de notre système de croyances (idéologie), plutôt que ceux qui décrivent scrupuleusement la réalité. Ainsi les idéologies ont-elles souvent plus de pouvoir sur les esprits que la science. On nomme opinion une croyance ni vraie ni fausse. La tolérance consiste à respecter les opinions en matière religieuse, politique ou artistique. Le scientisme désigne l'arrogance et le dogmatisme scientifique. 





Séance 5 : Cohérence, correspondance, méthode, expérimentation, vérification, hypothèse, observation. 


La cohérence d’un discours est une condition nécessaire de la vérité. Les mots doivent respecter les règles de la logique formelle (identité, non contradiction, tiers exclus) ou dialectique, en fonction du moment (par ex. “il fait jour” n’est pas vrai dans tous les cas). Un discours incohérent (par ex. “mon mari est célibataire”) n’a pas de sens et n’a aucune chance d’être vérifié. La seconde condition est la correspondance avec les faits. Le rapport entre les mots (sujet/prédicat) doit refléter fidèlement le rapport entre les choses (substance/attribut) (par ex. “le peuple parisien a pris la Bastille le 12 juillet 1789” doit correspondre à une réalité sociale, géographique et chronologique). 

La science moderne procède selon la méthode expérimentale (Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865) : La première étape de la recherche de la vérité est l’observation directe ou indirecte (par instrument ou témoignage). La recherche commence avec l’étonnement quand quelque chose attire notre attention (par ex. une éclipse solaire). La deuxième étape est l’imagination d’une hypothèse cohérente qui puisse expliquer le phénomène observé (par ex. l’interposition de la lune entre le soleil et la terre). La dernière étape est la vérification de la correspondance de cette hypothèse avec les faits à nouveau grâce à l’observation (par ex. l’étude du mouvement lunaire). Lorsqu'une hypothèse s’avère mauvaise, parfois après un certain temps en fonction de l’état des techniques, il faut en trouver une nouvelle. C’est pourquoi la recherche a une dimension dialectique (progression de l’erreur vers la vérité). 





ESTHETIQUE I


Séance 6 : Perception, sensation, idée, apparence, réalité, illusion, expérience, chose, objectivité, subjectivité.


Nous faisons l’expérience esthétique (du gr. aisthesis, sensation) du monde sensible grâce à la perception. Nous percevons le monde matériel par nos sens, comme la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût, mais aussi la proprioception, la kinesthésie, etc.). L’expérience matérielle sensible est toujours singulière (ici et maintenant) et mobile (subjectivité). Par contre, nos idées sont structurées par l’habitude et le langage. Ainsi, dans la perception, les choses gardent-elles leur identité à travers le changement ou mes mouvements. L’être reste le même en dépit des modifications (par ex. sur scène l’acteur conserve son identité même s’il est en mouvement). On dit alors que, dans la perception, nos idées reflètent la réalité matérielle stable (objectivité) à travers les modifications sensibles (cf. Descartes, Husserl, Merleau-Ponty).

Cependant, parfois la perception, à travers l’illusion, nous donne une fausse idée de la réalité (par ex. nous prenons un reflet dans un miroir pour une chose réelle). Mais, nous pouvons corriger ces déformations avec l’expérience. Du reste, la perception ne peut se confondre avec la réalité matérielle. La dureté, le poids, la couleur des choses dépend de mon rapport aux choses (subjectivité) et non des choses elles-mêmes (objectivité). Il y a donc une dialectique entre le monde poétique et subjectif de la perception humaine et le monde scientifique (géo/héliocentrisme). 





Séance 7 : Matière, mouvement, transformation, changement, couleur, lumière, cause.


 La matière désigne les éléments concrets qui peuvent s’organiser selon telle ou telle forme (pierre, bois, tissu, aliments, sons, couleurs) pour former quelque chose. Ce peut être la matière première, c-à-d des éléments physiques plus ou moins petits (atome, molécule, eau, bois) ou encore des éléments de la perception, la matière sensible (la couleur du ciel, la lumière du feu, le timbre de la voix, la douceur de la soie, etc.). Selon Aristote les choses sont d’abord informes ou en puissance, en tant que matière, et deviennent en acte en prenant forme. Par ex. la graine se transforme en arbre, le marbre est transformé en statut. Aristote ajoute à la cause matérielle (pierre) et la cause formelle (maison), la cause efficiente (maçon) et la cause finale (habitation) (intégrer, comme le fait la religion, ces deux dernières causes à la nature, en postulant un créateur avec un but, revient à la considérer selon un modèle artificialiste).

Pour les idéalistes comme Aristote, les êtres matériels sont imparfaits en tant qu’ils sont soumis au temps, au changement (transformation) et au mouvement (déplacement) à la différence des êtres immatériels (idées, dieux). Le préjugé de l’imperfection de la matière (et également de la nature) se retrouve dans des préjugés affectant certains humains. Les monstres, les enfants, les femmes, les “sauvages”, les ouvriers sont opposés à l’homme dit civilisé ou savant en fonction d’une hiérarchie entre être considérés comme plus ou moins spirituels. 

Le matérialisme inverse l’idéalisme. La matière n’est plus passive mais est au contraire à la racine des choses. La valorisation de la matière sur le plan philosophique ou artistique peut avoir comme conséquence politique la valorisation des classes sociales dévaluées par l’idéalisme, au risque d’inverser le préjugé (le bon sauvage, le valeureux prolétaire, l’enfant innocent, la femme pacifiste). Dans les sciences sociales, le matérialisme favorise l’explication des déterminismes sociaux par rapport à la compréhension des intentions individuelles.




Séance 8 : Forme, Idée, morphologie, moule, plan, figure, modèle, structure, système, enveloppe, peau, ligne, affordance.


Forma en latin signifie le moule mais aussi l'apparence extérieure. La morphologie désigne la forme particulière que prend un être, par ex. tel visage. La forme est aussi le modèle (idéa en grec, qui donne idée), par exemple le plan de l’architecte, le patron du couturier, la partition du musicien, la recette du cuisinier. C’est donc aussi l’idée générale qui subsiste à travers la variété des choses matérielles produites par l’homme ou la nature. La forme particulière, c’est aussi l’enveloppe, la peau ou de surface, par opposition à la structure, qui est l’ossature. La structure est plus proche de l’idée générale, par ex. le plan de l’architecte. Le système est la structure en mouvement.  La figure est la forme dessinée, les lignes, sans les couleurs et les effets de matière. L’artiste a souvent tenté de représenter dans la matière les formes jugées parfaites selon les stéréotypes culturels. C’est sans doute moins vrai dans l’art contemporain, mais assez incontournable dans l’art publicitaire. 

La forme fait sens et indique la fin. Une forme de maison se comprend comme habitation (affordance). Selon la psychologie gestaltiste (gestalt signifie forme en allemand), nous percevons la forme avant la matière, c’est-à-dire le tout avant les parties (par exemple la mélodie avant les notes). La forme réelle (morphologie) n’est pas isolé de la matière. C’est la façon dont la matière s’organise. Elle devient forme intentionnelle, c-à-d idée,  dans la tête des sujets pensants. On dit que cette idée est abstraite (le formalisme logique est ce qu’il y a de plus général et abstrait). Mais selon le principe d’isomorphie (conservation de la forme à travers différentes matières, comme par ex. la transposition d’un orchestre sur un disque), il faudrait plutôt préciser que la forme se transpose dans différents milieux matériels (du monde physique, au corps humain, jusqu’au réseau neuronal). 

 Nous avons vu que la forme peut changer de matière, soit à travers différents exemplaires (le même moule donne plusieurs gâteaux) soit en passant d’un milieu à un autre (la forme de l’arbre réel correspond à celle de l’arbre perçu). Mais l’inverse est possible, la matière peut changer de forme, comme la cire de la bougie qui change d’état en fondant (Cf. Descartes). Mais si l’on considère l'apparence de l’homme entre sa naissance et sa vieillesse, on voit que la matière comme la forme ont changé. Dans ce cas l’identité vient de la continuité entre ces transformations matérielles et morphologiques, laquelle se reflète dans l’idée et le nom de la personnes pour les autres.





Séance 9 : espace, temps, mesure, étalon, durée, étendue, champ, vitesse, accélération,  scénographie, géographie, topologie, étendue, arrière-fond, frontière, passage, seuil, utopie, hétérotopie, territoire, horizon, perspective, environnement, mobilité.


L’espace et le temps sont des rapports entre les choses ou les événements. Afin de situer les choses les unes par rapport aux autres, il nous faut un étalon de mesure (corps, astre, mètre, chronomètre). Les idées d’espace et de temps empruntent donc à la géométrie : l’instant et le lieu sont des points, le moment et la distance sont des segments. Le maintenant, le présent vécu (durée), est moins un instant, le point étant insaisissable, qu’un moment qui retient le passé et anticipe l’avenir. La limite du moment présent, avec le passé et l’avenir, dépend de l’unité de l’action. De même l’ici, le lieu vécu (étendue), n’est pas un point mais un champ lié à ma capacité d’action. 

Les mesures temporelles et spatiales sont objectives. L’heure et le kilomètre sont identiques pour tous les individus. Par contre la durée est subjective et dépend de chacun. C’est le temps vécu en fonction de notre état (veille ou sommeille, ennui ou distraction, fatigue ou vivacité). De même l’étendue dépend des conditions (fatigue, vieillesse, transport). Lorsque le designer améliore les condition d’utilisation d’une chose ou d’un espace, il modifie la durée et l’étendue.

Un lieu est plus subjectif qu’un espace. C’est donc une étendue. Il correspond à une hétérotopie, un espace vécu avec un ensemble de valeurs qui s’y projettent (Michel Foucault, Des espaces autres, 1967). Il s’y joue une forme d’utopie, d’imaginaire. Il est fermé par des frontières, ouvert par des passages, avec des seuils. Les perspectives (perspicere, voir clairement) et l’horizon correspondent à des actions possibles et pas uniquement à une vue sur le lointain. Le milieu ou l’environnement est ambigu. C’est à la fois une zone physique objective mais aussi un champs dynamique, un territoire (Augustin Berque, Mediance, 1990). L’arrière-fond (décor, paysage, bruit de fond) est la matière partiellement ignorée (prise comme un quasi-vide) sur laquelle se détache la forme.

Le monde moderne et contemporain se caractérise par la mobilité et l’accélération (augmentation de la vitesse, c-à-d du rapport espace/temps). Les espaces fluides (mer, air inhabitable) et les non lieux dominent peu à peu les espaces solide (sol, terre habitable) (cf. Laurent Henninger, Marc Augé). 

Différentes disciplines sont liées à l’espace. La géographie représente et étudie la terre avec les hommes (à la différence de la géologie). La topologie est plus spécifique et étudie les terrains, les territoires, les lieux, les sites. La scénographie est l’art d’organiser et de représenter une scène (la chorégraphie organise le corps). Avec le design d’espace, l’architecture, l’urbanisme et l’aménagement, on organise l’espace à différentes échelles.






ESTHÉTIQUE II 


Séance 10 : Nature, écologie, déchet, recyclage, progrès, modernité, contemporanéité, crise, catastrophe, transformation.


L’esthétique, comme philosophie du monde sensible, n’analyse pas uniquement la façon dont le monde matérielle nous apparaît dans l’expérience mais aussi la nature des choses dont nous faisons l’expérience (on parle aussi d’ontologie). Certaines d’entre elles sont produites par l’homme et d’autres par la nature.

Le mot “nature” vient du latin nascere (naître) équivalent du mot grec phuein (croître) qui donne “physique”. Il désigne tout ce qui arrive et se transforme indépendamment de l’activité humaine (Aristote, Physique, - IVe). Or l’activité humaine est l’activité avant tout intentionnelle. Tout ce qui arrive par accident, indépendamment de notre volonté, pourrait donc être qualifié de naturel, même si cela fait débat. Une catastrophe industrielle, bien qu’elle ne soit pas désirée, n’est pourtant pas qualifiée de naturelle. Mais c’est parce que nous pouvons trouver des responsables, qui n’ont pas fait tout ce qu’ils auraient dû faire, qu’elle n’est pas qualifiée de naturelle. Par ailleurs, le naturel et l'artificiel se trouvent très entremêlés. Notre corps résulte de processus naturels et de pratiques culturelles et techniques (médecine, alimentation, cosmétique). Un jardin est également ambigu. Les choses sont donc plus ou moins naturelles selon la quantité de travail qu’on leur applique. Le déchet n’est ni naturel ni artificiel (V. Flusser, Choses et non-choses, 1996). Il n’est ni recyclable ni utilisable.

Selon leur culture, les hommes se font une idée différente et souvent équivoque de la nature. Par exemple, l’enfant symbolise parfois la pureté et l’innocence et d’autrefois la brutalité et la sauvagerie de la nature. On retrouve au niveau philosophique la même ambivalence (le mot “matière” est comparable). Pour Jean-Jacques Rousseau, l’état de nature est un état de bonheur et le malheur est apporté par la société : “l’homme naît bon et c’est la société qui le corrompt” (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755). Tandis que pour Thomas Hobbes (VIIe), l’état de nature est un état de violence généralisée auquel seul un Etat fort peut remédier : “l’homme est un loup pour l’homme” (De Cive, 1642).

Au niveau scientifique, notre système de représentation de la nature change également. Dans la Grèce antique, la nature était conçue comme un ordre fini, un système clos et hiérarchique. La terre était située au centre du cosmos (Ptolémée, IIe siècle) et le temps était circulaire (pas d’évolution mais une répétition des jours et des années). A la Renaissance, avec Copernic (XVIe) et Galilée (XVIIe), la nature est perçue comme un univers infini dans lequel la terre est en mouvement (Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini, 1962). Les hommes se sentent alors bien plus vulnérables, livrés à eux-mêmes au milieu d’un océan de matière inerte. “Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie”, écrit Blaise Pascal (Pensées, 1669). La religion laisse place à la science et la technique, grâce auxquelles les hommes vont tâcher de se rendre “comme maîtres et possesseurs de la nature” (René Descartes, Discours de la méthode, 1637). “Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, écrit Karl Marx, ce qui importe c’est de le transformer” (Thèses sur Feuerbach, 1845). Le respect des traditions est remplacé par la course au progrès. Le futur domine le passé. On appelle modernité cette conception du temps, par opposition au traditionalisme ou au conservatisme. Il s’agit d’une révolution anthropologique, aussi bien scientifique qu’économique (capitalisme), politique (république), technique (machine) et religieuse (athéisme). La contemporanéité désigne ce qui a lieu maintenant, sans nécessairement être moderne, puisque les courant conservateurs ou réactionnaires existent aujourd’hui.

Le développement de la science et de la technique a entraîné de nombreuses améliorations de la condition humaine, dans les domaines de la santé, l’éducation, l’alimentation, les transports, les communications etc. Mais il a également provoqué des catastrophes, des crises et, outre de nouvelles formes d’inégalités sociales, une destruction de l’environnement et, par conséquent, une prise de conscience écologique peut-être à l’origine d’une nouvelle révolution. On peut faire débuter l’histoire de l’écologie par la création du terme par Ernst Haeckel en 1866 en Allemagne. Il s’agit d’abord d’une science qui étudie l’évolution des espèces en interaction dans leur environnement. Quant à l’idéologie écologiste, qui vise à valoriser la nature par rapport à l’homme, elle se développe, du XIXe à aujourd’hui, en partie à travers des courants conservateurs romantiques opposés au monde moderne et à l’industrie, (Michael Löwy, Robert Sayre, Révolte et mélancolie, 1992). Elle est popularisée dans les années soixantes dix dans les mouvements d'extrême gauche (René Dumont, l’Utopie ou la mort, 1973). Mais c’est surtout dans les années quatre-vingt dix que l’écologie acquiert une notoriété complète sous la forme du Développement durable (Rapport Brundtland, 1987). L’écologie est aujourd’hui massivement reconnue dans le monde politique et commercial, bien qu'elle ne soit parfois guère plus qu’un argument promotionnel (Olivier Dania, Stop au greenwashing, 2015). 

L’idéologie écologiste oscille entre deux extrêmes : d’un côté une écologie radicale, qui tend à idéaliser le mode de vie primitif et défend un retour à la nature selon le mythe du bon sauvage (John Zerzan, Aux sources de l’aliénation, 1999) ; de l’autre, une écologie hi-tech qui mise au contraire sur un surdéveloppement technique afin de parvenir à une technologie propre (Karel Fritz Mulder, L’ingénieur et le développement durable, 2011). La solution réside probablement avant tout dans une recherche précise des techniques et des modes de vie les plus vertueux pour les sociétés et leur écosystème (moins de déchets, plus de recyclage) qui amène à puiser dans ces deux courants. 





Séance 11 : Technique, artisanat, industrie, manufacture, atelier, outil, machine, instrument, fabrique, usine, laboratoire, invention, innovation.


Dans le Protagoras de Platon (-IVe siècle), celui-ci s’interroge sur l’émergence de la technique dans la nature sous une forme imagée. Lors de la création du monde (cosmogénèse), Zeus demande à Prométhée (qui signifie connaître avant) de donner aux animaux, au départ informes, des attributs (fourrures, becs, griffes, ailes, etc.) afin qu’ils puissent survivre en différents lieux. Mais Prométhée laisse agir à sa place son frère Epiméthée (qui signifie connaître après). Celui-ci, agissant de manière insouciante et sans plan, répartit mal les attributs et laisse certains animaux nus qui, dès lors, sont menacés de disparaître. Il s’agit là des humains. Aussi Prométhée vole-t-il le feu (qui représente la technique) à Héphaïstos pour que l’homme puisse lui-même créer ce dont il a besoin (vêtements, armes, etc.). Ainsi, notre intelligence technique vient compenser notre fragilité physique. Par conséquent, la nature humaine consiste paradoxalement à ne pas avoir de nature propre et à être capable de se créer soi-même. A ceci s’ajoute néanmoins, précise Platon, le risque chez l’homme de faire preuve de moins de sagesse que de puissance, ce que confirme la capacité d’autodestruction de la nature humaine (guerres, pollution etc.).

La néoténie désigne le fait, pour certains organismes, de conserver leur caractère juvénile pendant leur croissance (Louis Bolk, Le problème de l'anthropogenèse, 1926). Cette hypothèse scientifique, appliquée à l’homme, corrobore l’intuition de Platon. L’homme est une sorte d’embryon géant de primate, ce qui explique notre apparence physique (nez et oreilles courts, pelage rare). Par contre, les capacités cérébrales sont particulièrement développées. L’intelligence humaine est accrue par un longue période d’apprentissage dans l’enfance, comparé aux animaux, comprenant l’acquisition du langage. Par conséquent, l’homme ne saurait vivre sans technique, c’est-à-dire diverses prothèses et interfaces entre lui et la nature. Au cours des siècles, l’outil a évolué vers des instruments et des machines de plus en plus sophistiqués. L’artisanat, les ateliers et les manufactures ont massivement laissé place aux laboratoires (inventions) et à la grande industrie et ses usines (innovations).



Séance 12 : Art, culture, patrimoine, image, style, ornement, décoration, mode, gadget, parure, spectacle, loisir, fête, luxe.


L’art, comparé à la technique, peut paraître superflu, décoratif, par son manque d’utilité et de réalisme. Platon (-IV), dans la République, considère l’art comme une une copie, une image, déformée de la réalité et condamne, à ce titre, l’art des sophistes et des poètes qu’il perçoit comme une forme de mensonge. Leurs fictions égarent le jugement de leurs auditeurs et nuit à la science comme à la justice. Si Platon utilise lui même l’art, c’est uniquement dans un but didactique. On pourrait presque qualifier Platon de fonctionnaliste et d’anti-ornementaliste, pour reprendre des catégories du design. On remarque également que son jugement n’est pas éloigné de ceux qui considèrent les sciences et techniques comme plus fondamentales que l’art, perçu comme une sorte de loisir. Dans cette perspective l’art est condamné pour son inutilité et sa futilité au même titre que la mode, le gadget, la parure, la décoration, le style, le spectacle, la fête, le luxe.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel défend la thèse inverse de celle de Platon. L’art ne copie pas (en la déformant) la réalité mais permet à la liberté humaine de s’exprimer dans la nature et ainsi de la spiritualiser (Esthétique, 1829). L’art nous sort de l’animalité. Pour lui, l’art est le moyen par lequel l’homme va s’élever vers la religion puis la science. C’est dans cette perspective que l’on peut comprendre par exemple la phrase de Marcel Proust : “la vraie vie c’est la littérature” (Le temps retrouvé, 1927). Cette inversion par rapport à Platon tend à valoriser la culture et le patrimoine.





Séance 13 : Oeuvre, produit, création, utilité, agrément, beauté.


Pour Emmanuel Kant (Critique de la faculté de juger, 1790), les oeuvres d’art (peinture, poésie, etc.), créations issues des beaux-arts, tout comme les beautés naturelles (fleurs, paysages), plaisent à l’esprit, par l'intermédiaire de la vue et de l’ouïe, grâce à la saisie de l’harmonie entre les éléments matériels. Pour lui, la beauté possède une certaine objectivité. Car l’harmonie la plus subtile peut être perçue par tous quelque soit notre culture. Par contre, les arts d’agrément (gastronomie, parfumerie, cosmétique, design, sport, stylisme, mode) plaisent au corps plus qu’à l’esprit et font l’objet d’un jugement subjectif (chacun ses goûts). Il n’y a pas ici de bon ou de mauvais goût, ni lieu de polémiquer sur le sujet, à la différence des beaux-arts. 

Enfin, les inventions des arts appliqués (ingénierie) visent surtout l’efficacité, la fonctionnalité et l’utilité, comme par exemple le matériel médical ou militaire. Certains penseurs opposent catégoriquement le beau et l’utile et prétendent qu’une chose utile ne peut être belle et inversement (Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, 1835). On peut toutefois considérer qu’un objet puisse être beau sous un certain angle et utile sous un autre. Une voiture peut avoir une jolie forme et être fonctionnelle. On peut aussi supposer qu’il existe deux formes de beauté (Emmanuel Kant) : une beauté libre, celle des beaux-arts, et une beauté adhérente propre aux objets techniques (Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, 1958). Cette dernière exprime surtout la force d’un objet et apparaît dans sa mise en situation. 

Walter benjamin, dans L’oeuvre d’art à l’ère de la reproduction mécanisé (1936), pose la question de l’évolution historique de l'oeuvre d’art. Celle-ci a-t-elle toujours existé et existera-t-elle toujours ? L’ancêtre de l’oeuvre est pour lui l’icône religieuse. C’est surtout au XVIIIe siècle, avec les musées, que les oeuvres apparaissent en quittant leur contexte original et en perdant leur enracinement rituel. L’évolution de l’oeuvre dépend de sa mobilité, de sa miniaturisation et de sa diffusion. Autrement dit l’accès à l’art se démocratise à mesure que les supports sont mobiles. 

L’ère industrielle, avec la photo, le cinéma, l’enregistrement audio (et aujourd’hui internet, pourrait-t-on ajouter), conduit à  une banalisation de l’art et, peut-être aussi, à une sorte de dévalorisation, si l’on considère que l’oeuvre devient un produit de consommation marchand comme un autre. Dans ce cas, on peut réfléchir à ce nouveau statut du produit culturel (T. W Adorno et M. Horkheimer, Dialectique de la raison, 1944), avec ce qu’il suppose en terme de perte d’expérience collective (la consommation est de plus en plus individuelle) et d’outil de propagande (avec la radio, la photo et le cinéma, puis la télévision et internet).





Séance 14 : Travail, loisir, émancipation, aliénation, organisation, collaboration, contribution, participation, emploi, activité, contrôle, projet, management.


Le travail est le moyen par lequel nous transformons la nature techniquement et artistiquement. Le travail peut être assimilé à une souffrance, à une obligation pour survivre. Etymologiquement, le tripalium est un instrument de torture. La bible parle même de punition dans la Genèse (-XIV). Dans l’antiquité, pour que les hommes libres puissent se consacrer à des activités intellectuelles (art, science, politique),  l’esclave travaille (un rôle attribué également à l’animal et la machine). Mais avec le christianisme, le libéralisme et le socialisme, le travail va être perçu comme un moyen d’évolution morale et intellectuel. Il est par ailleurs vrai que l’homme, individuellement et collectivement, se développe grâce au travail. Le travail se divise ensuite socialement en deux catégories : l’emploi qui a une valeur marchande en tant qu’il est rémunéré (même s’il est intéressant, inutile voire néfaste) et l’activité qui a une valeur d’usage mais pas de valeur marchande (travail domestique, associatif, développement personnel).

Ce n’est pas pas le travail en soi qui est aliénant ou émancipateur mais son organisation. La division sociale désigne la division par métier, selon l’âge, le genre, la classe, etc. A première vue, cette division permet la complémentarité des compétences (collaboration) et l’accomplissement personnalisé. Par contre, cela entraîne une plus grande dépendance entre les hommes et des inégalités sociales. La division technique désigne la division par tâche pour un même métier et aboutit à l’Organisation Scientifique du Travail (Taylorisme). Elle permet une plus grande productivité mais creuse les inégalités entre décideurs et exécutants. Ceux-ci sont d’autant moins payés qu’ils sont peu qualifiés et que leur travail est répétitif. La hausse de la production et les revendications sociales ouvrières ont incité les industriels (Fordisme) à développer la société de consommation et du loisir de masse, en augmentant les salaires et le temps libre et baissant les prix (Benjamin Coriat, L’Atelier et le chronomètre, 1994). 

Le monde industriel étend la discipline et le contrôle jusque dans les espaces de consommation (vidéosurveillance, par exemple) entraînant aussi une standardisation des modes de vie (Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel, 1968). Le développement d’internet semble conduire à une forme de décentralisation du pouvoir, à davantage d’horizontalité et de partage dans les rapports humains. Mais on assiste aussi à des modes plus insidieux de contrôles (Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, 2018). Les techniques de management évoluent et se perfectionnent en vue de rentabiliser le travail comme le toyotisme, la culture d’entreprise, etc. (Vincent de Gaulejac, La société malade de la gestion, 2005). De nouveaux concepts voient le jour : management par projet, travail collaboratif, contributif, participatif (Pierre Boissard etc., Le travail, quel avenir, 1997). L’objectif est de favoriser les interactions, le collectif mais aussi de diminuer le coût du travail en favorisant le bénévolat, l’emploi court, la flexibilité.





ETHIQUE 


Séance 15 : Pratique, éthique, morale, déontologie, action, geste, comportement, règle, principe, justice, égalité, équité, bienfaisance, respect.


Lorsque l’on traite des pratiques humaines (actions, gestes, comportements, décisions, productions etc.), on doit considérer, en plus de la dimension technique, la dimension éthique et morale. Bien que ces termes puissent être synonymes ou avoir différentes définitions selon les auteurs, on peut privilégier les définitions suivantes que l'on trouve couramment : la “morale” désigne la doctrine, le dogme, le devoir, la règle, le principe d’une bonne action, que l'on doit respecter à la lettre, de façon rigoureuse, stricte, désintéressée indépendamment des conséquences. Par exemple, je ne dois pas mentir, quelques soient les conséquences, bonnes ou mauvaises. L'avantage de l'attitude morale est d'inspirer confiance. C'est une marque de sérieux et de rigueur, puisqu'on sait que la personne est incorruptible. 

Toutefois l'inconvénient de la morale et qu'elle n'est pas adaptée à toutes les situations. On peut devoir mentir pour se protéger (ruse) ou tuer pour des motifs légitimes (défense). A ce moment là, on parlera d'”éthique”. C'est la réflexion, à partir de la morale, sur l'application plus ou moins stricte de ses règles. Dans le cas de l'euthanasie, par exemple, on va passer par un comité d'éthique pour décider si l'on peut aider un patient à mourir. On trouve des questions d'éthique dans de multiples domaines : médical, commercial, industriel, sexuel, familial, environnemental, militaire, policier, politique etc., dès lors que des décisions sont difficiles à prendre et que plusieurs principes moraux se contredisent. Par exemple, au niveau de la sécurité, on peut augmenter le contrôle de la population au nom de la sécurité dans la lutte contre une épidémie ou le terrorisme. Mais jusqu'à quel point, sachant qu'il faut également respecter les principes de liberté ou de respect de la vie privée ?



Voici Quelques références morales : a) Les dix commandements, dans l'Ancien testament (-V), contre le meurtre, le vol et le mensonge, entre autre ; b) Les Evangiles ou Nouveau testament, avec entre autre l'idée de ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ; c) Les droits de l'homme (1789) : Article 1. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Article 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; d) Le Serment d'Hippocrate (-V) : Eviter l'injustice, être utile au malade, garder le secret médical ; e) Jacques Viennot, Charte d'esthétique industrielle (1952) et Dieter Rams, 10 principes du bon design (1976) : être honnête et sincère concernant la valeur du produit ; veiller à ne rien concevoir de néfaste pour la société et l’environnement.



Pour compléter, voici quelques principes bioéthique applicables au design (Tom L. Beauchamp, ‎James F. Childress, Les principes de l’éthique biomédicale, 2008) : a) Le respect de l’autonomie consiste à ne pas faire à autrui ce qu’il ne veut pas qu’on lui fasse et donc à ne pas l’instrumentaliser. C’est un principe démocratique dans la mesure où les décisions doivent être prises en commun. Le principe de sincérité se raccorde à celui de respect, dans la mesure où mentir à autrui ne lui permet pas de prendre ses décisions de manière éclairée et en connaissance de cause ; b) La justice consiste d’abord à assurer l’égalité (la même chose pour tout le monde), par exemple les droits élémentaires à l’alimentation, le logement, le travail, la santé ; puis l’équité (à chacun selon ses besoins et ses capacités), comme avec l’impôt progressif ; c) La bienfaisance consiste à bien évaluer les risques et les bénéfices de son action. Chaque action comportant un risque, il faut se demander à quel prix on fait quelque chose pour obtenir quelque chose. On peut également parler ici de prudence, c’est-à-dire ne pas courir ou faire courir de risque inutile. Par exemple, le remède ne doit pas être pire que la maladie. On peut penser à divers scandales sanitaires, industriels, alimentaires ou pharmaceutiques (amiante, vache folle, médiator, etc.).





Séance 16 : Liberté, autonomie, déterminisme, comportement, fatalisme, volontarisme.


L’éthique est destinée à aiguiller les hommes en tant qu’êtres libres et donc responsables de leurs décision et actions. Il s’agit dans ce cas de mieux comprendre ce qu’est la liberté. Notre action et notre comportement sont limités par les lois naturelles et culturelles, au point que l’on peut se demander si la liberté n’est pas une illusion due à l’ignorance des causes qui nous déterminent (Baruch Spinoza, Lettre à schuller, 1667). En même temps, nous ne ressentirions pas la contrainte si nous ne désirions pas la liberté. Et sans liberté, nous ne serions responsables de rien (Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, 1781). Etre libre ne signifie pas se laisser aller mais obéir aux lois que l’on s’est prescrites (Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, 1762).

Le monde autour de nous semble constituer un obstacle à notre liberté. Cependant les obstacles peuvent devenir des outils, comme le vent pour l’oiseau ou le navigateur (Jean Paul Sartre, L’être et le néant, 1943). La valeur des choses dépend de nos désirs. Plus nos désirs sont forts, plus le monde nous offre de résistances. Le fatalisme, qui consiste à “changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde” (Descartes, Discours de la méthode, 1637), diminue la frustration. 

Toutefois, sans volontarisme, qui consiste par exemple à essayer de “se rendre comme maître et possesseur de la nature” (Descartes, ibid.) ou à transformer le monde au lieu de simplement l’interpréter (Marx, Thèses sur Feuerbach,1845), nous n’aurions aucune chance d’améliorer notre condition. C’est donc à l’éthique de déterminer quand le fatalisme ou le volontarisme sont le plus appropriés. 




Séance 17 : Société, économie, échange, calcul, don, lien, conflit, gratuité, fétiche, marchandise, argent. 


Si l’éthique met en jeu notre liberté, elle s’exerce au sein de la société. On peut analyser celle-ci selon deux niveaux : la base économique et la superstructure politique. Au niveau économique, une société est formée d’individus et de groupes plus ou moins larges (famille, communauté, nationalité etc.) qui échangent entre eux des biens matériels (biens, services) ou “immatériels” (idées, affects), qui reposent néanmoins sur une base matérielle (médias, corps). Si les échanges créent des liens, les conflits proviennent du dérèglement de ces échanges (égoïsme, vol). 

L’échange peut prendre la forme du calcul (troc, monnaie). L’argent facilite les échanges dans le temps et l’espace. Le troc lui pose des problèmes d’encombrement, si une maison vaut un million de pommes ; de conservation, par exemple celle de ces pommes ; et de débouchés, si j’ai déjà des pommes. Toutefois, l’argent est abstrait. Il n’a aucune valeur d’usage (pas d’utilité propre) mais n’a qu’une valeur d’échange, à la différence d’une pomme qui peut servir soit à se nourrir soit, en tant que marchandise, à être échangée sur un marché. Il entraîne également des inégalités lorsqu’il ne sert qu’à faire du profit. Dans ce cas l’argent n’est plus un moyen d’échange mais une fin en soi (Aristote, Politique, - IV). L’attention particulière que nous portons aux marchandises (dont l’argent), leur fétichisation, ne doit pas faire oublier les rapports sociaux et la division du travail à l’origine de cette marchandise (Karl Marx, Le Capital, 1867).

L’échange peut également prendre la forme du don (Marcel Mauss, Essai sur le don, 1923). On échange dans ce cas du matériel contre de l’immatériel, soit de la reconnaissance. Sous une apparente gratuité (générosité), le don crée une sorte de dette morale infinie. On est redevable au donateur de manière indéfinie, puisqu'aucun prix n’a été fixé. Cela crée des liens d’entraide puissants dans les familles, les réseaux d’amis et même professionnels. Dans l’entreprise, tout ne relève pas du calcul, mais aussi de l’honneur, de la fierté, de l’abnégation etc. Le don peut prendre une forme agonique, conflictuelle, quand on met autant d’énergie à se sacrifier, par exemple par orgueil, que d’autres en mettraient à profiter des autres. Ceci peut expliquer l'appât du luxe (Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir, 1899). Il peut également dégénérer en exploitation, lorsqu’il est instrumentalisé dans un échange calculé dissimulé, comme dans les entreprises qui exploitent le zèle des salariés ou les états qui abusent du bénévolat pour faire des économies. 




Séance 18 : Politique, Etat, légalité, légitimité, individualisme, libéralisme, socialisme, capitalisme, réforme, révolution. 


La politique est l’art de la décision, sous forme de législation, sur un modèle autoritaire ou démocratique. Ces décisions ont bien souvent un contenu économique. Aux modèles archaïques, antiques et médiévaux, se sont substitués les modèles modernes que nous connaissons. Le modèle libéral, apparu au XVIIIe, est basé sur le libre échange, c’est-à-dire le laisser faire en matière économique ; avec la théorie de la main invisible ou du ruissellement, selon laquelle l’enrichissement de quelques uns profiterait à tous (Adam Smith, Richesse des nations, 1776). Ce modèle a été critiqué au XIXe par le mouvement ouvrier (anarchistes, socialistes, communistes) qui défend une régulation politique et une redistribution des richesses. La cas du fascisme est plus confus, car il mêle des valeurs de l’ancien régime (hiérarchies), emprunte des arguments socialistes (anti-individualisme) mais est favorable dans les faits au libéralisme (anticommunisme).

La politique produit des lois qui varient selon les lieux et les époques (légalité). Mais ces lois peuvent être remises en cause au nom de l’éthique (légitimité). Par le biais de réformes et de révolutions, à travers différentes techniques, comme le vote, le référendum, la manifestation, la grève et même la guerre civile, les lois se modifient en vertu de principes éthiques plus ou moins sincères. Car c’est toujours au nom du bien que l’on réclame un changement. Ce qui ne signifie pas que tous les changements soient véritablement bons. 



Bibliographie complémentaire :

Introduction : Laurence Hanse Love, La philosophie de A à Z ; Pierre Damien Huyghe, A quoi tient le design ? ; Stéphane Vial, Court traité du design ; Vilem Flusser, Petite philosophie du design ; Hal Foster, Design and crime ; Gary Laski, Le design ; Jean Jacques Urvoy, Le designer ; Jean Baudrillard, La société de consommation

Epistémologie : Carl Hempel, Eléments d'épistémologie ; Sylvain Auroux, La philosophie du langage ; Edward S. Herman et Noam Chomsky, La Fabrication du consentement ; Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique ; Georges Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences ; Jean François Lyotard, La condition postmoderne

Esthétique : Jean François Lyotard, La phénoménologie ; Marc Jimenez, Qu’est-ce que l’esthétique ? ; Henri Bergson, La pensée et le mouvant ; Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini ; Catherine Larrère, Les philosophies de l’environnement ; Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’ère de la reproduction mécanique ; Emmanuel Kant, La critique de la faculté de juger ; Hegel, L’esthétique ; Daniel Mercure et Jan Spurke, Le travail dans l’histoire de la pensée occidentale

Ethique : Michela Marzano, L’éthique appliquée ; Robert Misrahi, Qu’est-ce que l’éthique ? ; Paul Ricoeur, Ethique et responsabilité ; Dominique Lecourt, Contre la peur. De la science à l’éthique une aventure infinie ; Adam Smith, La richesse des nations ; Karl Marx, Le Capital ; Marcel Mauss, Essai sur le don.